Cabane à vidéos, séances de faux cinéma et projections à s’endormir de bonheur : l’art suisse ravit.
« A Genève, les squats ont l’électricité et le chauffage… » Boutade de Nicolas Trembley, commissaire de l’exposition que le centre culturel suisse consacre à la vidéo dans l’art contemporain suisse. Drôle d’idée a priori pour le profane que de se pencher sur la scène nationale de cet Etat artistiquement discret. C’est que depuis une petite dizaine d’années, sans éclat médiatique, la Suisse a connu un foisonnement créatif, renforcé au fur et à mesure que la pratique vidéo se répandait dans les chambres d’artistes et les écoles. Quelques cassettes commencèrent à circuler, quelques curieux à s’y intéresser, une scène vidéo suisse se mettait en place autour de villes jalons : Genève, grâce au défricheur Mamco et au Centre pour l’image contemporaine, Zurich et ses squats, Lausanne et son école d’art, Bâle et sa foire annuelle. Aujourd’hui, il y a les stars, les précurseurs : Fischli/Weiss (présents par le biais d’une projection de leurs films le 22 janvier à 20 h 30), Roman Signer et ses interventions désespérées (présentation le 15 janvier de son extraordinaire Filme 1975-1989), et la célébrissime Pipilotti Rist, pop-star de l’art contemporain, qui vient de quitter l’organisation de l’expo du millénaire au regret de toute la presse nationale. Il y a bien sûr les plus jeunes et les moins connus : Ugo Rondinone et son arc-en-ciel gay de lumières plaqué sur la façade grise du CCS, Alexandre Bianchini, qui a filmé un diaporama mélancolique sur la fin d’une soirée en squat, Fabrice Gygi, auteur de l’installation la plus magistrale du parcours. Au premier étage du centre, il a construit un dispositif de vidéothèque à plusieurs entrées. Son arène conceptuelle offre aux spectateurs des gradins inconfortables, faits de matériaux militaires, entièrement démontables, donc mobiles, pour regarder en boucle une sélection de vidéos. Au fond de la salle se dresse une roulotte de marchand, comme une baraque merguez-frites, où les plus curieux peuvent emprunter à loisir une cinquantaine d’oeuvres vidéo. Dispositif hyper-classique pour résultat choc : ces bribes-là d’oeuvres sont de véritables ovnis. Ne pas manquer l’improvisation tout bonnement hallucinante de Gygi se prenant pour un bison… C’est drôle, absurde, provocateur et salutaire. L’expo reprend à son compte, en le détournant, le dispositif de la salle de cinéma, sauf qu’en ce cas l’organisation même de l’endroit fait partie de l’oeuvre. Deux soirées de projection des films de Jean-Luc Godard et d’Anne-Marie Miéville sont justement organisées les 16 et 17 janvier à 18 h 30, histoire de boucler la boucle de cette généalogie d’images. Une expo vidéo qui s’interroge sur la sculpture, le dispositif, les médias, l’image au sens large. L’exemple le plus éclatant de ce joyeux mélange des genres est sans conteste le Sip my ocean de Rist. Double projection ensorceleuse à partir d’un fameux titre de Chris Isaak. Un déjà classique, où l’on retrouve parfois des spectateurs, le sourire aux lèvres, endormis de bonheur.
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