C’est le genre de petite révolution qu’on ne saisit qu’après coup. Elle nous est tombée dessus un soir de désoeuvrement, par hasard, alors que nous suivions un lien URL qui nous invitait à découvrir les nouveaux exploits de nos meilleurs amis nocturnes. Jusque-là, rien que de très banal. Sauf que ce ne fut pas sur […]
C’est le genre de petite révolution qu’on ne saisit qu’après coup. Elle nous est tombée dessus un soir de désoeuvrement, par hasard, alors que nous suivions un lien URL qui nous invitait à découvrir les nouveaux exploits de nos meilleurs amis nocturnes. Jusque-là, rien que de très banal. Sauf que ce ne fut pas sur un ordinateur que s’ouvrit la page en question, mais depuis un terminal qu’on croyait à jamais banni des lupanars de l’internet par son prude concepteur : un iPhone.
Contournant l’impossibilité de diffuser des vidéos au format flash sur le fameux smartphone, les plus grands sites porno, et notamment les “tubes” (YouPorn, PornHub, etc.), sont ainsi parvenus à rendre leur contenu iOS-compatible. Et, soudain, une évidence : si le porno, au fond, avait été inventé pour ça, pour être miniaturisé et tenu dans une main, pendant que l’autre s’affaire ?
On ne le sait que trop : le médium, c’est le massage. Si bien que, rétrospectivement, le cinéma n’était pas fait pour accueillir le X. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce dernier en fut si tôt banni : trop cérémonial, trop collectif, trop grand pour un spectacle qui ne cherche qu’à abolir la distance. La télé, ou l’écran d’ordinateur, en mettant tout le monde à égalité, étaient des lieux plus adaptés, et personne n’a oublié l’image saisissante de James Woods fusionnant avec son téléviseur dans Vidéodrome, de David Cronenberg. Mais c’est bien le téléphone qui achève le mouvement et signe, peut-être, la fin de l’histoire, celle d’un genre dont le contenu ne s’est plus renouvelé depuis des années.
Les yeux collés sur l’écran, la distance semble enfin effacée. Les corps minuscules qui s’ébattent au bout de nos doigts sont comme des petites parties de nous, de nouvelles terminaisons. Ce n’est même plus nous qui fantasmons d’être à leur place, ce sont eux qui viennent nous chatouiller le nerf optique. Longue vie à la nouvelle nouvelle chair.