C’est l’époque un revival constant qui fait perdre les repères temporels qui veut ça : dur de rétablir la vérité, de remonter jusqu’à la source pour savoir qui a vraiment influencé qui. La confusion régnant, juger la réapparition de Telex, évaluer la pertinence de cette exhumation n’est pas une chose facile.
A la fin des années 70, ce trio belge a marqué en superficie son époque, grâce à quelques tubes, a ensuite disparu, sans créer de drame. On pourrait donc prendre la compilation I don’t like remixes comme un simple produit de la nostalgie ambiante. Une telle attitude, aussi désinvolte, pousserait à se priver de morceaux qui, par un paradoxe insondable, sonnent plus frais et négligemment innovants que la plupart de ceux que leurs enfants illégitimes à leur tête, les gentils Air ont pondu. Par exemple, Moskow diskow, leur titre fétiche, sonne en 1999 incroyablement moderne : joyeux mélange d’electro et de techno-pop avant l’heure, il possède un charme indéfinissable qui ne doit rien au poids des ans. Jouant avec les clichés, cette musique de cocktail ironique, riche de paroles si vides de sens, se pose comme l’équivalent sonore du travail réalisé par des dessinateurs comme Yves Chaland ou Serge Clerc, ces tenants de la ligne claire qui détournaient avec classe et discrétion l’héritage d’Hergé. Telex, eux, vidaient à l’aide de boîtes à rythmes et vocoders Rock around the clock de toute substance ou faisaient danser les premiers robots sur leur version de Twist à Saint-Tropez. Mais c’est quand ils trafiquaient Radio-radio ou Raised by snakes, leurs hymnes stupides mais addictifs, qu’ils se montraient les plus forts, présentant Kraftwerk aux Marx Brothers dans un éclat de rire glacé. Ces avant-gardistes ont logiquement influencé toute une génération de laborantins techno : de Detroit à Londres, on aurait fait ses classes sur les bancs chic de cette école buissonnière belge. I don’t like music présente ainsi des relectures du fonds de commerce de Telex par une internationale de remixers plutôt impressionnante. Si quelques iconoclastes Le Tone ou I:Cube se sentent obligés de pimenter cette cuisine légère, les autres de Carl Craig à Dr Rockit se contentent prudemment de garder leurs bonnes idées de départ. Elles sont en nombre.
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Telex, I don’t like remixes & I don’t like music (SSR/Crammed)
Vincent Brunner
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