La métaphore culinaire semble la plus évidente pour ceux qui veulent parler en termes choisis des musiques mijotées sous le tropique reliant l’Afrique aux Caraïbes. Il faut reconnaître qu’avec les mots et les sons, les saveurs sont généralement les mieux disposées à évoquer l’identité d’une région comme à porter témoignage des mouvements migratoires dont se […]
La métaphore culinaire semble la plus évidente pour ceux qui veulent parler en termes choisis des musiques mijotées sous le tropique reliant l’Afrique aux Caraïbes. Il faut reconnaître qu’avec les mots et les sons, les saveurs sont généralement les mieux disposées à évoquer l’identité d’une région comme à porter témoignage des mouvements migratoires dont se truffe son histoire. Ainsi le troisième album du groupe sénégalais Africando se présente-t-il à la manière d’un plat à multiples ingrédients que l’on cuisine au fond des marmites de Dakar ou dans les faitouts de La Nouvelle-Orléans : le gombo (ou gumbo), pimenté de la fameuse salsa, terme désignant le son cubain joué outre-mer, a toutes les chances de stimuler les glandes salivaires mais aussi de promettre aux autres parties du corps une bien belle étuvée. Le lien avec le gustatif, s’il n’est pas entièrement fortuit, se prête en tout cas à d’innombrables associations. Dans Africando, on entend distinctement les mots fricassée et fricot, mais surtout fricandeau, tranche de veau piquée de menus morceaux de lard. Bref, avant même d’avoir ôté le cellophane entourant l’album, on a faim. Depuis le disque précédent, le succulent Sabador, le groupe a perdu le regretté Pape Seck, chef de grand renom, remplacé au chant par Gnonas Pedro, originaire du Bénin, apportant dans sa besace le rythme abaja et la langue fon. Ont également rejoint l’office le chanteur de Johnny Pacheco, Rudy Calzado, ainsi que les musiciens de Tito Puente dont le divin flûtiste Jisé Fajardo qui fait tournoyer les notes de son instrument comme un oiseleur, une volée de gais pinsons. Ici, c’est le respect que se vouent mutuellement musiciens africains et latinos qui fait délice. Les hôtes présentent les invités à l’entame des solos avec une gourmandise qui augmente le plaisir d’entendre ces instrumentistes de pedigree accomplir leur devoir avec une chaleur rendue d’autant plus perceptible qu’elle n’est drapée d’aucun souci de représentation, ni encombrée de surenchère. Chanté en plusieurs langues dont le wolof, le fon, le français et le créole haïtien, ce disque a le mérite d’ajouter aux arômes coutumiers de la musique cubaine un bouquet garni d’ambiances dont l’addition loin d’en dénaturer l’essentielle gaieté vient au contraire en prolonger l’effet. Miam-miam.