Fondée en 2007, la plate-forme de blogging et réseau social Tumblr compte dorénavant plus de 70 millions de blogs. Classée dans le top 20 des sites américains, la société basée à New York est déjà valorisée à plus de 800 millions de dollars alors qu’elle ne rapporte quasiment rien. À sa tête, David Karp un […]
Fondée en 2007, la plate-forme de blogging et réseau social Tumblr compte dorénavant plus de 70 millions de blogs. Classée dans le top 20 des sites américains, la société basée à New York est déjà valorisée à plus de 800 millions de dollars alors qu’elle ne rapporte quasiment rien. À sa tête, David Karp un jeune entrepreneur de 26 ans, calme, serein, en phase avec son internet.
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De développeur à entrepreneur
Pour résumer son histoire en une courte ellipse : le petit David est originaire de New York, il apprend à coder à 11 ans, se fait scolariser à la maison à 15 ans et se taille au Japon pour un an l’année de ses 18 ans. Il en revient plein d’idées et d’ambition. En 2005, Christian Neukirchen, un jeune allemand de 17 ans, monte anarchaia.org, une plate-forme expérimentale dont la règle consiste à poster du contenu varié de moins d’un paragraphe. Il invente alors à sa manière le principe de tumblelogging, mariage entre tumble (pêle-mêle) et web-logging (ancêtre du blogging).
Alors âgé de 19 ans, David s’inspire d’Anarchia pour monter Tumblr. L’idée étant de faciliter la création de contenu en s’appropriant (en “hackant”) celui des autres, comme le faisaient les premiers tumbleloggers. Tumblr est officiellement lancée début 2007, et comme toutes les bonnes idées qui facilitent le quotidien des internautes, sa croissance devient vite exponentielle. Les investisseurs flairent le bon coup, lui proposent de racheter sa boîte alors qu’elle n’a aucun business model, mais David reste cool et préfère enchaîner les tours de table pour lever des fonds que de vendre son bébé qu’il développe comme un outil au service de ses utilisateurs.
Une plate-forme dédiée à la créativité
Créativité, un mot qui revient constamment dans la bouche de Karp. Pendant que les autres plates-formes affinent leur business model et ont depuis longtemps oublié de mettre l’utilisateur au sein de leur start-up, il en reste le premier usager. Dans une interview au Guardian en janvier dernier, il disait adorer Twitter (dont la simplicité et l’évolution lente ressemble au développement de Tumblr), ne pas être très emballé par Google + “Je ne vois pas d’outil créatif là-dedans”, ne pas être un fan de Facebook qui “empile les innovations” et surtout détester Youtube : “ils prennent ton travail pour y placer des annonceurs dessus”.
Il y a un style Tumblr, qu’on retrouve principalement chez les jeunes qui s’en servent pour se définir culturellement. Partant du principe que tout le monde n’est pas créateur, mais que tout le monde est créatif, le contenu des autres est ré-approprié (via le bouton reblog qui a énormément aidé à l’expansion de Tumblr), la matière brute (images, videos, gif, citations…) devient support créatif pour re-créer à l’infini. Une méta-création où chacun est source d’inspiration de l’autre. Sans oublier le principe de base de Tumblr qui est de faciliter la publication, c’est ainsi que se créent en permanence des blogs éphémères basés sur tout ce qu’il est possible d’imaginer, du lol en boucle à la compilation d’objets par thèmes.
Sa plate-forme, il la voit comme un espace de création, et non comme un service pour annonceurs comme Facebook ou Youtube, réseaux sociaux où l’utilisateur est devenu client. À l’heure actuelle, les seules publicités que vous verrez sur Tumblr sont celles placées par les utilisateurs eux-mêmes pour rentabiliser leur blog. Ce que David Karp voit d’un assez mauvais oeil, il a d’ailleurs commencé à faire le ménage dans les tumblr pornos (une partie importante de son trafic) qui monétisent ainsi leur grosse audience.
Le problème n’étant d’ailleurs pas le porno, mais bien l’argent généré par ces tumblr. Une attitude qui le distingue des autres plates-formes (en dehors de Twitter) où le contenu explicite n’a pas droit de cité. Un téton dans une oeuvre d’art sur Facebook étant suffisant pour se faire taper sur les doigts. “Tumblr est une excellente plate-forme pour le porno, je n’ai (moralement) rien contre” racontait-il à Wired en mars dernier.
Un style et un esprit à l’opposé de Mark Zuckerberg
Originaire de New York et vivant dans le quartier branché de Green Village, David Karp a décidé d’y rester et ne pas céder aux sirènes de la Silicon Valley. Son entreprise de taille modeste n’emploie que 100 personnes et reste attachée à sa ville. Si Tumblr est souvent taxée d’être une plate-forme hipster pour hipsters (si tant est que ce terme ait encore un sens en 2012), David Kerp pourrait tout autant l’être.
Modèle pour Uniqlo et J. Crew, il est ce qu’on appelle un beau gosse du web et si on fait abstraction de ses hoodies, le style de David Karp tranche plus qu’on ne le croit avec celui de son compère Zucky, qui ne pourrait prétendre à servir de modèle qu’à la Halle aux Chaussures. En témoigne la photo de son mariage où on jurerait qu’un balai d’une largeur imposante se serait glissé malicieusement dans son fondement.
Finalement David Karp est un internaute normal, représentant commun de la génération connectée, qui voit internet comme une extension numérique de la vie et pas seulement un nouvel eldorado pour entrepreneurs avisés. Mais cette éthique web qui fait la force de Tumblr est aussi sa principale faiblesse, comment rentabiliser une entreprise qui crée principalement de la richesse artistique ?
Un modèle économique faiblard
Tumblr a pour le moment deux sources de revenus : la vente de templates et la mise en avant de posts sponsorisés sur la homepage du dashboard (Tumblr Radar). C’est peu sachant que la publicité sous ses différentes formes est – pour le moment – l’unique moteur économique des sites internet (en dehors du e-commerce), et ce trafic représente une goutte d’eau face aux 15 milliards de pages vues générées par mois sur Tumblr.
David Karp semble réfractaire au principe de publicité. Parce qu’il est fortement imprégné de la culture web ? Parce qu’il ne veut sacrifier son outil créatif aux mains des annonceurs ?
Difficile de savoir ce qu’il a prévu pour les prochaines années, mais certainement plus proche de la paire Noah Glass et Evan Williams (les créateurs de Twitter) que de Zucky le gourmand emporté par l’usine à gaz qu’est devenu son réseau social, il continuera à développer Tumblr pour le bien de ses utilisateurs. Un modèle pas très économique, mais louable, proche des attentes des usagers.
David Karp est de cette génération qui a grandi avec internet, qui n’a pas envie de faire de sa vie numérique un espace sponsorisé. Reste maintenant à trouver un modèle viable et novateur pour son projet, qui soit en phase avec ses convictions d’internaute. Une utopie qui ne devrait pas durer longtemps, la publicité (sous couvert de créativité) est déjà en train de frapper à sa porte.
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