C’est entre Dublin et Genève que la musique de Polar a trouvé ses couleurs : du noir, avec un peu de noir autour. Autant vous le dire tout de suite : on aime beaucoup Polar. Pour cette aisance à mettre en scène des petits bouts de chansons qui vivent très bien leur nudité, supportent parfaitement […]
C’est entre Dublin et Genève que la musique de Polar a trouvé ses couleurs : du noir, avec un peu de noir autour.
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Autant vous le dire tout de suite : on aime beaucoup Polar. Pour cette aisance à mettre en scène des petits bouts de chansons qui vivent très bien leur nudité, supportent parfaitement l’absence de moyens et la rusticité du décor. Pour ce courage qui pousse Polar à s’avancer sans défense, sans masque, lorsqu’il est devenu de plus en plus rare d’admettre ses faiblesses et de chanter ses blessures. Pour cette façon très moderne d’écrire en nourrissant sa plume de voyages inachevés de l’Irlande de son enfance à la Suisse de son adolescence, une heureuse absence de nationalité qui donne à l’écriture de ce nomade anglophile une profondeur musicale et une lucidité lexicale remarquables.
L’homme qui se cache derrière ce pseudo bien rond et bêtement banal depuis qu’une moitié des Anglais de Moose et qu’un jeune groupe espagnol se sont choisi le même nom d’usage aurait selon les sources 22 ou 23 ans, ce qui ne sera pas le moindre motif de surprise pour les amateurs de cette écriture « adulte » plus régulièrement croisée chez les trentenaires du rock. Sa jeunesse, Polar la réserve à d’autres connaissances qu’à ses chansons, ces relations virginales à qui il fait subir des outrages de vieux soldat débauché. Les mots que chante ce garçon grandi trop vite n’ont pas d’âge, sinon celui de la conscience : ils disent la douleur du solitaire, l’incapacité à se trouver une place dans le monde. Ils sont aussi l’empreinte d’une âme noircie par le doute et l’ennui, l’écho d’un coeur qui bat aussi lentement que les lancinants balanciers de guitare sèche qui lui servent d’écrin. « I lost my friends. Fuck them and fuck myself. I’m on my own, I can’t bare myself » (« J’ai perdu mes amis. Qu’ils aillent se faire voir, et moi avec. Je suis tout seul, je ne me supporte plus ») : violente entrée en matière pour un disque qui ne mâche pas ses maux et vous envoie son encre noire à la face. Mais le vrai choc de ce Polar 1 rudement verbeux et inspiré, c’est surtout cet insolent exploit : réussir aussi tôt dans une vie artistique à se trouver un ton, une spécificité, sans jamais lorgner sur les combines des voisins. Comme chez Palace ou dans les accalmies acoustiques de Smashing Pumpkins seules références recevables pour des chansons qui s’en passeraient très bien , c’est cette authenticité bouleversante et ce sens de la différence qui préservent ce premier disque d’un plongeon trop fervent dans le chagrin et la dépression. Le monde de Polar est noir, mais pas tout à fait.
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