Avec sagesse et clichés chez Air, avec finesse, réflexion et générosité chez Daft Punk : deux façons de se présenter en DVD.Ce sont deux jeunes hommes modernes tuant le temps dans leur chambre d’hôtel. L’un range ses innombrables pulls, vestes, pantalons, chemises. L’autre, un combiné de téléphone sous l’oreille, s’étale sur son lit, émettant des […]
Avec sagesse et clichés chez Air, avec finesse, réflexion et générosité chez Daft Punk : deux façons de se présenter en DVD.
Ce sont deux jeunes hommes modernes tuant le temps dans leur chambre d’hôtel. L’un range ses innombrables pulls, vestes, pantalons, chemises. L’autre, un combiné de téléphone sous l’oreille, s’étale sur son lit, émettant des « hum » irréguliers sans même bouger les lèvres. Air en tournée, c’est un peu le désert des Tartares, on attend en vain qu’il se passe quelque chose pendant les soixante minutes que dure le documentaire de Mike Mills sur les trendy Frenchies, tourné en 98 entre Londres, New York, Versailles et Paris. Un petit film au beau noir et blanc qui pourrait à la limite se nourrir de son indigence d’action, s’il n’était égrené de micros-trottoirs insipides (du genre « La musique a-t-elle changé votre vie ? », « Aimez-vous manger au McDo ? »… si, si c’est une forme de conscience politique planétaire) et de commentaires béats d’admiration de la troupe, sur l’air de « Ce sont de tellement bons arrangeurs, ça me fait penser à de la musique d’ascenseur super bien mixée et dans ma bouche, c’est un compliment… » On retiendra la déclaration d’un jeune homme tout de noir vêtu les autres sont en blanc, cause Air oblige dissertant sur la qualité sexuelle de Jean-Benoît (« Jay-Bee » dans le texte) par opposition à Nicolas. Sans non plus oublier la scène du film, un montage réalisé à partir de diverses conférences de presse apparemment désastreuses, vu le faible niveau d’anglais de nos protagonistes, l’oeil vide et la bouche pâteuse, face aux salves de questions anglo-saxonnes. Quelques minutes salutaires d’autodérision qui allègent la sauce de ce DVD Air, intitulé du nom du film de Mike Mills : Air eating, sleeping, waiting and playing, et qui offre, en sus, les belles vidéos du groupe des planantes joueuses de ping-pong de Kelly watch the stars à l’ennui teenager du Soleil est près de moi. Une poignée de dessins et de storyboards inédits ne suffisent pas à faire de ce DVD une expérience Air, duo finalement trop classique et trop tourneboulé par l’imagerie rock (le « Tour », le bus, les chambres d’hôtel, les blagues des roadies) pour en inventer une nouvelle version. Ce que les Daft Punk ont en revanche parfaitement compris et assimilé sur leur DVD au titre potache : D.A.F.T., a story about dogs, androids, firemen and tomatoes. Les initiés auront reconnu la drôle de population qui hante les clips spectaculaires de Daft Punk, sous la direction des Michel Gondry, Spike Jonze et Roman Coppola, maîtres actuels du genre. Des hommes à tête de chien, des droïdes dansants, des raveurs californiens défoncés, une recette de sauce tomate, des plages paradisiaques : tout le vocabulaire graphique de Daft Punk se retrouve ici exposé, disséqué en voix off par ses auteurs, commenté en sous-titre. Naissance d’un nouveau genre : le « stream of consciousness » numérique, procédé littéraire trouvant ici une nouvelle et futée jeunesse puisqu’il désamorce le clip en tant qu’oeuvre achevée (ce n’est après tout qu’une vidéo en musique), tout en contextualisant sa fabrication, ce qui permet ainsi de singulariser le duo comme faiseurs d’images en plus de producteurs de sons. Voilà pour la face A, réussie et conceptuelle, avant une face B purement organique. Un DVD qui se retourne, comme une vulgaire galette vinyle, c’est aussi rompre avec l’habituelle pratique multimédia, s’éloigner des CD et CD-Rom, pour obtenir un produit hybride, offrant la B-side la plus excitante qui soit : un concert filmé à Los Angeles, ivre de beats technoïdes, servi par une mise en formes et en couleurs délicieusement artificielle, dont on peut choisir jusqu’à neuf angles de caméra. Artifice marketing qui permet de se glisser derrière les Daft Punk, au-dessus de la fosse, sur un speaker ou sous le nez d’un danseur : dérive multimédia qui finit par ressembler à un vémédiatique piratage
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}