Le malaise naît souvent, dans tes chansons, d’une légère distorsion du quotidien. C’est une inflexion que tu recherches dans tes lectures ? J’ai toujours eu de grandes difficultés à me concentrer pour lire, ce qui explique en partie pourquoi Charles Bukowski reste à ce jour mon auteur préféré. Ce sont ses poèmes en prose qui […]
Le malaise naît souvent, dans tes chansons, d’une légère distorsion du quotidien. C’est une inflexion que tu recherches dans tes lectures ?
J’ai toujours eu de grandes difficultés à me concentrer pour lire, ce qui explique en partie pourquoi Charles Bukowski reste à ce jour mon auteur préféré. Ce sont ses poèmes en prose qui me fascinent le plus. Lors de notre récente tournée aux Etats-Unis, et surtout en Allemagne, je me suis aperçu que son oeuvre avait une cote incroyable auprès de la gent féminine. Ça m’a beaucoup étonné, car avant d’être un écrivain, Bukowski était surtout un vieux pochetron. Ce qui me plaît et me touche, c’est la simplicité de son écriture, dépouillée, puissamment directe quoique très altérée par l’alcool.
Quels sont tes premiers souvenirs de lecture ?
Ils remontent aux années que ma famille a passées en Nouvelle-Zélande : là-bas, ma mère nous lisait souvent des contes de fées maoris. Avant d’aller nous coucher, elle nous passait également des disques : des vinyles multicolores sur lesquels des célébrités locales racontaient ces légendes. J’ai été bercé par cette drôle de mythologie pendant quatre ans. Pour être honnête, je crois que je n’ai pas vraiment lu de livre avant d’y être contraint par un programme scolaire. L’un des tout premiers fut Henry IV de Shakespeare, un ouvrage qui reste pour moi la pire introduction possible à son oeuvre. Cette expérience m’a longtemps tenu éloigné de Shakespeare.
Tu as dirigé une troupe de théâtre pendant quelques années…
J’ai fait du théâtre pendant neuf années : directeur, acteur, compositeur, auteur. A l’université, j’étais particulièrement impressionné par les expressionnistes allemands… Je me souviens en particulier d’une pièce que nous avions montée, Sons of bitumen (Les Fils du bitume) : l’histoire d’un homme qui se retrouve bloqué dans des toilettes publiques souterraines pendant qu’à la surface éclate un conflit nucléaire qui détruit toute la civilisation. En ce qui me concerne, j’ai toujours trouvé le théâtre « officiel » très prétentieux : les gens viennent voir une pièce, sont obligés de s’asseoir et de rester immobiles, souvent pendant des heures, sans même pouvoir tousser. Je fréquente toujours les salles de théâtre, mais surtout pour y voir des one man shows.
Ton travail de musicien te laisse-t-il assez de temps pour d’autres activités culturelles ?
J’ai toujours été très friand de cinéma, sans que mes goûts en la matière soient particulièrement pointus. L’un des films qui m’a le plus impressionné, c’est Blue velvet de David Lynch : une oeuvre ouvertement commerciale qui réussit pourtant à torpiller insidieusement les valeurs de la bonne société américaine. Ce qui me plaît chez Lynch, c’est qu’il n’a jamais pu faire du cinéma comme tout le monde. Blue velvet est à mon avis son film le plus abouti. Je suis aussi un grand fan de Hal Hartley, qui m’a toujours beaucoup touché. J’aime l’économie de ses films : on a l’impression qu’il n’y a qu’une caméra et une seule idée qu’il exploite presque toujours de la même façon. Son style est immédiatement reconnaissable et d’une limpidité incroyable.
Est-ce cette même quête de limpidité qui détermine tes goûts musicaux ?
J’ai toujours eu un penchant prononcé pour la musique mélodique, simple et répétitive. De ma courte formation musicale, j’ai surtout retenu Albinoni dont tout le monde connaît au moins l’Adagio et Pachelbel. J’aime aussi énormément Arvo Pärt, mais il y a dans le rapport à la musique classique une sorte de snobisme qui me déplaît… Quel fut le plus grand choc musical de ta vie ?
Sans doute le jour où j’ai vu Joy Division sur scène. J’étais très fan de leur premier album, en particulier pour le jeu de basse très mélodique de Peter Hook. Ce concert se passait dans un vieux cinéma, il devait y avoir là une centaine de personnes au maximum, et pour la première fois dans l’histoire du groupe, Ian Curtis s’est mis à danser comme un maniaque, un possédé. Ce show incroyable m’avait vraiment secoué, tout ça était si nouveau pour moi : la musique, les fringues, l’atmosphère particulière qui régnait dans cet endroit… A ce sujet, il y a quelques mois, pour la reformation de New Order, le NME a demandé à Peter Hook quelles étaient ses dix chansons préférées de tous les temps. Or, il a classé Candy girl de Baby Bird en cinquième position. Ça m’a fait chaud au coeur. There’s something going on (Echo/Labels).
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