Anouk Grinberg est une comédienne généreuse. Dommage qu’elle choisisse aussi mal les bénéficiaires de son talent.
Quelque part en Russie, quatre personnages partagent un appartement communautaire. Comme partout dans le monde, la cuisine est le lieu où l’on cause, où l’on vit, où l’on s’affronte. Deux femmes y tiennent siège. L’une, Babouchka, est vieille, ancienne déportée, elle a connu toutes les humiliations et toutes les trahisons. L’autre, Katia, est jeune, son mari est rentré de la guerre de Tchétchénie, blessé à la jambe et dégoûté de tout sauf de la vodka frelatée. Pour Katia, la guerre est devenue la salope qui lui a volé son homme. Comme dans toutes les histoires d’adultère, elle veut tout savoir, tous les détails. Leitmotiv : « Alors raconte ! » Evidemment, il s’enferme dans le mutisme, les avances de Katia tombent à plat et, handicap supplémentaire pour les retrouvailles du couple, le père du soldat, un vieillard impotent et incontinent, ancien bolchevique délateur, ça va de soi, partage leur chambre.
En manque absolu d’amour, Katia va finalement tomber dans les bras d’un colocataire, autre personnage de la catégorie représentatif-de-la-Russie-d’aujourd’hui : Gricha. Un petit délinquant qui possède un micro-ondes et garde une bouteille de champagne français au frigo ; il sera envoyé sur le front. Bien sûr, au départ, elle le détestait, mais quand il est appelé sous les drapeaux, elle y voit le moyen d’avoir enfin un récit détaillé de la guerre. Elle lui fait promettre de tout lui raconter en échange de son corps. A ce stade-là de l’affaire, que peut-il arriver ? N’importe quelle sitcom vous le dira : un bébé. La jeune femme tombe donc enceinte, le mari est cocu mais content, l’enfant, largement arrosé, devient la classique promesse d’un futur radieux. Tout avait commencé dans la lumière grise et froide d’une aube hivernale et se termine un matin d’été rayonnant.
Véronique Olmi est l’auteur de cette harlequinerie, Jacques Lassalle met en scène la dramatique et Anouk Grinberg est la star invitée pour sauver le morceau. Elle y arrive par sa seule présence mais ne parvient pas à faire oublier l’indigence du téléspectacle qui se déroule. La genèse du projet racontée par Jacques Lassalle permet d’y voir plus clair : « Un matin de 1997, je trouvai au courrier une de ces grandes enveloppes en papier kraft… Cette enveloppe-là contenait deux pièces de Véronique Olmi. Une lettre d’Anouk Grinberg les accompagnait. L’auteur les lui avait adressées, elle les aimait bien. Elle pensait que peut-être l’une ou l’autre pourrait nous donner l’occasion de nous retrouver sur la scène comme nous nous l’étions promis quelque temps auparavant. » Suivent les attendrissements du metteur en scène sur sa première rencontre avec Anouk quand elle n’était qu’une gamine…
On est content pour eux, mais tout ça ne fait pas un spectacle public. Bien entendu, on reste touché par Anouk Grinberg, mais qui ne le serait pas ? Elle donne tellement, paie tant de sa personne qu’on n’arrive pas à lui en vouloir de s’être trompée sur toute la ligne. On voudrait juste lui dire de mieux choisir ses amis de plateau, de se rappeler le temps où elle les partageait avec des fous de théâtre comme Richard Foreman ou Patrice Chéreau et de ne pas être trop sensible aux textes bourrés de bonnes intentions.
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