Dans ses dernières installations vidéo exposées à Genève, l’Américain Gary Hill continue d’explorer le rapport entre l’image et le spectateur.
Arts Techniquement basique, l’installation Standing apart paraît facile (une pièce obscure avec deux projections de chaque côté d’un angle de mur), mais émotionnellement, elle est redoutable : alors que vous observez un homme à l’allure imposante, debout, immobile, simultanément sur un autre pan du mur il vous regarde le regarder. On passe d’une simple image à une réelle présence. Comme tous les adolescents nés sur la Côte Ouest des Etats-Unis dans les années 50, Gary Hill n’avait pourtant qu’une idée en tête : surfer sur les vagues du Pacifique et faire de la musique. Pendant un temps, il sera même le jardinier d’un certain Robert Zimmerman, alias Bob Dylan. Au début des années 70, la musique le conduit aux images, il réalise quelques vidéos mais il trouve toute la mesure de son expression dans le domaine de l’installation, malgré les réticences de son entourage : « Je travaillais alors dans le nord de l’Etat de New York dans un lieu qui s’appelait Woodstock Artist’s Association et l’équipe n’était pas très ouverte à la photographie, encore moins à la vidéo. J’ai quand même réussi à présenter mon travail qui impliquait le dessin, la sculpture, la vidéo, le feed-back, la performance. » Aujourd’hui, Gary Hill fait partie du panthéon des grands artistes vidéo avec Bill Viola ou Nam June Paik. En début d’année, lors de sa dernière rétrospective à Montréal, on parlait de deux à trois jours de visite tant il y avait de choses à voir et tant le spectateur était sollicité.
En attendant une telle manifestation en Europe, il faut se contenter d’expositions plus modestes. Cette fois, ça se passe à Genève. Après deux mois de travaux, le Centre pour l’image contemporaine accueille dans ses locaux rénovés trois des dernières installations de l’artiste américain et met la lumière sur ses nouvelles préoccupations. « Je pense que je suis personnellement attiré par la physicalité, par une approche que l’on qualifierait d’ici et maintenant ; cela a aussi à voir avec le territoire du sens », explique-t-il lors d’une entrevue réalisée dans le cadre de la rétrospective à Montréal. L’installation Viewer, présentée à Lyon en 1996, annonçait cette orientation. Noyé dans l’obscurité, un groupe de personnes vous regardait sans qu’il soit possible de déterminer la profondeur de champ, de savoir s’il s’agissait vraiment d’une image ou non. Standing apart exploite le même procédé mais dans un espace beaucoup plus restreint et avec un seul personnage. On se confronte à une image trop humaine. Inévitablement on est conduit à balbutier, à prononcer quelques mots pour engager une discussion et dissiper le trouble. Histoire de se dire que l’on est bel et bien vivant et que cet homme devant nous n’est qu’une image.
Reflex chamber, l’autre installation exposée à Genève, plonge le spectateur dans une agitation sonore et visuelle. On perçoit une voix monocorde, cisaillée. Des flashs d’images sont projetés à tout-va sur une table : étrange et immobile déambulation stroboscopique à travers la nature, la ville et un appartement. Dans l’espace mental de la pièce, la pensée devient palpable, physique, elle bouscule le spectateur. Dans chacune de ses installations, Gary Hill nous lance un défi, et parfois jusqu’à l’extrême : sur la porte d’accès de Reflex chamber, un avertissement invite « les personnes sensibles nerveusement ou sujettes à l’épilepsie à ne pas franchir le pas ».
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