Suite à des hashtags haineux, le gouvernement et les associations veulent contraindre le réseau à modérer les propos des usagers. En France ou ailleurs, d’autres défendent une totale liberté.
SiMaFilleRamèneUnNoir, #UnBonMusulman, #SiMonFilsEstGay, #UnBonJuif… Suite à la publication de ces hashtags haineux sur Twitter en octobre, et à la vague d’indignation qui a suivi, le gouvernement, par le biais de sa ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a décidé de réagir en organisant une concertation entre les associations de lutte contre le racisme et les représentants de Twitter. Son objectif : faire plier le géant américain en l’obligeant à mettre en place un contrôle des tweets. Dans une tribune publiée par Le Monde du 29 décembre, Najat Vallaud-Belkacem explique souhaiter que “l’entreprise Twitter puisse examiner les conditions de mise en place de dispositifs concourant à la lutte contre les infractions en matière de provocations ou d’injures”. Elle reproche, entre autres, au réseau de microblogging de ne pas intervenir lorsque des tweets à caractère raciste sont postés.
“L’idéal serait qu’il y ait une modération en amont des tweets publiés, commente Jean-Bernard Geoffroy, président de l’association Ravad (Réseau d’assistance aux victimes d’agressions et de discriminations). La liberté d’expression est une liberté fondamentale mais qui a tout de même des limites, telles que l’injure, la diffamation ou les propos racistes.” Pour Olivier Iteanu, avocat spécialiste du droit d’internet, une concertation n’a aucune utilité. “Tout l’arsenal législatif existe déjà, il suffit de l’appliquer. On ne peut pas tenir Twitter pour responsable du contenu des messages publiés par les internautes. En tant qu’hébergeur, sa responsabilité est atténuée, c’est-à-dire qu’il n’a pas à effectuer de censure en amont. Par contre, si la justice lui signale des contenus illégaux, il se doit de les supprimer.” Mais pour cela, une plainte doit être déposée par une personne visée ou une association de lutte contre les discriminations ou le racisme.
Twitter effectue un contrôle a posteriori sur les messages à caractère pédophile et permet aux internautes de signaler les contenus abusifs. Mais la démarche ne concerne pas les propos racistes ou diffamatoires. “C’est l’une de nos premières demandes, explique Jonathan Hayoun, président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Twitter doit mettre en place un dispositif de signalement des comportements abusifs, qui soit facilement accessible par les internautes.” L’association a aussi assigné en référé le réseau social devant la justice, afin qu’il délivre les données permettant l’identification des auteurs de tweets antisémites.
Le 18 octobre dernier, l’UEJF avait déjà remporté une première bataille, les hashtags incriminés ayant été retirés. “Twitter est une entreprise américaine qui est influencée par le premier amendement sur les libertés fondamentales, souligne Olivier Iteanu. Aux États-Unis, on peut tenir des propos révisionnistes alors que cela est interdit en France. Il y a une vraie différence d’approche concernant la liberté d’expression. Les pouvoirs publics sont tentés de censurer internet car c’est un espace qu’ils ne contrôlent pas et où la liberté d’expression est totale.” Cette différence culturelle a provoqué outre-Manche l’ire du journaliste du Guardian, Glenn Glenwald, qui va jusqu’à comparer, dans un article, la ministre française à un despote du Moyen-Orient. “La criminalisation des idées qui nous déplaisent ne les fait pas mieux disparaître et refuser d’y faire face ne fait que les renforcer”, conclut le journaliste britannique. Pour Najat Vallaud-Belkacem et les associations, l’entreprise de microblogging doit s’adapter aux réalités locales. Un message qu’elles comptaient bien faire passer lors de leur rencontre. Rencontre finalement reportée sine die, la société américaine n’ayant pas confirmé sa participation