En hommage au Parlement international des écrivains, Thierry Bédard propose une revue parlée sous forme de parcours marathon.
Depuis le temps que Thierry Bédard et son association Notoire occupent les théâtres pour y dégoupiller de drôles d’objets scéniques, on aurait dû se douter que la création du Parlement international des écrivains, en 1994, allait le titiller un peu. D’abord intitulés Pathologies verbales (1989), ces « interventions » se situent à mi-chemin entre la conférence, l’élucidation d’une énigme, le concert de poche et l’accumulation de mots, textes, voix, tables, micros, chaises, crises de nerfs. L’Argument du menteur, son dernier cycle de travail, portait sur la violence politique. On ne peut pas dire qu’il ait changé de cheval de bataille avec La Bibliothèque censurée, spectacle à travers lequel Thierry Bédard souhaite rendre hommage et manifester son soutien au Parlement international des écrivains, structure fondée par plus de trois cents écrivains du monde entier pour organiser une solidarité artistique concrète avec les écrivains persécutés, menacés dans leur travail et leur existence, sous la forme d’un réseau de villes refuges (une quarantaine de villes accueillent à ce jour des écrivains en résidence, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud et prochainement en Afrique). Pour la forme, La Bibliothèque censurée se présente comme une revue parlée, clin d’œil évident à la parution récente du numéro 1 de la Revue du Parlement international des écrivains, autodafé.
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Installée dans un endroit fermé par des cimaises blanches, ladite bibliothèque est néanmoins mobile et invite le spectateur à une véritable déambulation, pour y suivre une succession de pièces, « performances » ou rencontres, à partir des textes d’Antonio Tabucchi, Joseph Brodsky, Igor Pomerantsev, Peter Nàdas et Giorgio Manganelli, lequel conclue en fanfare : « Bien loin d’exprimer la «totalité de l’homme», la littérature n’est pas expression, mais provocation ; elle n’est pas cette splendide figure humaine que les moralistes de la culture voudraient qu’elle soit, mais elle est ambiguë, non naturelle, un peu monstrueuse. La littérature est un geste arbitraire et vicieux : elle est toujours un geste de désobéissance, pis, un lazzi, une moquerie… ».
A cet égard, la Leçon de poétique de Joseph Brodsky sur un poème de W.-H. Auden, pivot du parcours, est un bijou d’humour. Trois filles folles de linguistique, légèrement excessives dans leur acharnement à traduire l’esprit du poète et à le disséquer, vers par vers, mot à mot, voire syllabe par syllabe, en viennent à se crêper le chignon, sous l’œil effaré du répétiteur qui n’en peut mais. L’incurable écart entre la rigidité où se cantonne l’esprit de censure et la folle obstination où se distinguent les esprits épris de liberté est décidément vertigineux. Certes, il faut une certaine endurance pour garder le mollet alerte et l’oreille attentive au bout de quatre heures, et l’ensemble gagnerait à être resserré. Critique mineure rendue caduque par la vaste tournée hexagonale qui attend La Bibliothèque censurée…
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