Arrivé en troisième position à la primaire de centre-gauche, Nichi Vendola divise dans l’Italie conservatrice de Monti. Homosexuel, il milite pour le mariage gay et la naturalisation des étrangers. Portrait d’un politicien redoutable.
Nichi (prononcez Niki) Vendola, Nicola de son vrai prénom, a tout d’un artiste. Grand, les cheveux grisonnants, il porte à son oreille un anneau et à son pouce une alliance. Le verbe, ensuite. Il cite à l’envi Foucault, Gramsci, Tolstoï, Gandhi, a étudié la philo, écrit un mémoire sur Pasolini. Mais ces apparences dissimulent un politicien redoutable, qui compte en Italie. Nichi Vendola a été l’un des cinq candidats à la primaire du centre-gauche italien, dont le premier tour s’est déroulé dimanche 26 novembre, en vue de désigner le représentant de gauche aux législatives d’avril, et où il est arrivé troisième avec 15,6 % des voix.
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Le président de la Région des Pouilles (le talon de la Botte) et du parti Gauche, écologie et liberté (SEL) représentait l’option la plus radicale de la coalition. On trouve dans son programme, entre autres : l’instauration d’un revenu minimum garanti (qui n’existe pas dans la péninsule), l’investissement massif dans les aides d’État, l’institution du mariage gay et l’imposition à 75% des Italiens les plus riches.
Il devenir militant LGBT, choix audacieux dans une Italie conservatrice
Pour réussir, le governatore pugliese sait se servir de son parcours, et à l’occasion le transformer en formidable storytelling. Fils d’un père communiste et d’une mère au foyer fervente catholique, il s’engage au Parti communiste à 14 ans. Sur sa précocité, il s’explique ainsi :
« Si cela ne tenait qu’à moi, je me serais même encarté plus jeune. Le communisme était source de grande effervescence pour moi. »
À la dissolution du PCI (Parti communiste italien), il s’engagera dans la Refondation communiste, avant de créer, en 2009, son parti actuel. Homosexuel, il fait son coming-out à 20 ans, avant de devenir militant LGBT. Un choix audacieux, dans une Italie conservatrice où l’on pouvait encore entendre il y a peu l’ancien président du Conseil, Silvio Berlusconi, affirmer sur les plateaux de télévision : « Mieux vaut aimer les jolies filles qu’être gay. »
Les attaques se font parfois nominatives. Le 13 novembre dernier, Andrea Di Pietro, élu de droite (PdL), l’invective ainsi sur Twitter : « Nichi Vendola est aussi visqueux que la vaseline qu’il utilise. » « Je n’ai aucun remède pour soigner la vulgarité de certains », soupire le principal intéressé. Réaliste, il semble savoir que la société italienne est profondément divisée à son sujet, aussi bien sur sa personne que sur ses méthodes.
Populiste ?
Car Nichi Vendola aime se mettre en avant, partir à la rencontre des électeurs, convaincre en visant les coeurs plus que les raisons. Ainsi, un dimanche d’octobre, sur une place de marché dans le quartier de San Salvario à Turin, Vendola n’hésitera pas, entre deux allusions à sa foi, à exprimer ses désirs de mariage et d’enfants. Cette façon récurrente de faire de sa personne l’étendard de ses revendications a amené certains à le taxer de populisme. Une critique qu’il repousse à grands cris.
« Il faut être cohérent ! On me dit d’un côté que j’utilise des manières anciennes et un vocabulaire trop soutenu et de l’autre que je suis populiste ! Vous avez déjà vu des populistes qui demandent la naturalisation pour les étrangers ? »
S’il revendique sa singularité, Nichi Vendola refuse pourtant de revêtir l’habit du bouffon ou de l’amuseur politique. « Pendant mes treize ans à la Chambre des députés, beaucoup ont voulu me transformer en épisode de folklore. Pourtant, à force de travail et de persévérance, j’ai gagné la confiance et le respect de mes pairs », assène-t-il. Il est vrai que son travail, notamment au sein de la Commission parlementaire antimafia dont il fut vice-président à partir de 1996, lui a accordé une réputation d’homme intègre. C’était sans compter les accusations d’abus de pouvoir portées contre lui en avril dernier, dans le cadre d’une enquête générale sur la santé dans les Pouilles. Le président de la Région était accusé d’avoir profité de sa position pour nommer Paolo Saredelli, chirurgien thoracique, chef de service à l’hôpital de Bari, chef-lieu des Pouilles.
Finalement blanchi le 31 octobre, Vendola a été profondément marqué par cette chronique judiciaire : « Ce fut une expérience dramatique », livre-t-il. Sur les chaînes de télévision italiennes, beaucoup ont pu voir pleurer ce grand gaillard de 55 ans. Il reconnaît « une sensibilité certaine, peut-être issue de la littérature et de la culture féministe », mais, se justifie-t-il, « parfois la personne prend le pas sur le personnage, et c’est tant mieux ».
Camille Vigogne Le Coat
Article paru dans le numéro 887 des Inrockuptibles disponible en ligne ici
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