L’acteur-cinéaste Gérard Blain nous a quitté le 17 décembre 2000 à l’âge de 70 ans.
Gérard Blain avait débuté comme jeune premier dans les années cinquante chez Julien Duvivier (Voici le temps des assassins) ou André Cayatte (Avant le déluge), mais c’est en tant qu’icône de la Nouvelle vague naissante qu’il allait éclater : petit ami de Bernadette Lafont, il enchaîne en ces années 58 et 59, Les Mistons de Truffaut, puis Le Beau Serge et Les Cousins de Chabrol. Eternel insatisfait (il déclarera plus tard, la Nouvelle Vague, c’était de la merde à part Godard), il part ensuite tourner des films en Italie, et son itinéraire de rebelle solitaire l’amène jusqu’à Hollywood où il joue dans Hatari de Hawks (66), aux côtés de John Wayne! Peu de comédiens français peuvent se targuer d’un tel paragraphe biographique. Mais cet inaltérable révolté ne risquait pas de faire de vieux os dans la Babylone californienne. En 71, il passe derrière la caméra avec Les Amis. Depuis, il tournera huit films en trente ans, sous l’influence dominante de son maître Robert Bresson, toujours avec peu de moyens, à la marge du système. On retient particulièrement Le Pélican (74), Le Rebelle (80), ou encore Pierre et Djémila, histoire d’amour entre un Français et une beurette présentée à Cannes en 87 et qui déclenche la polémique : on accuse Blain de faire involontairement le jeu du FN. Toujours écorché vif, il se signale aussi par ses prises de positions tranchées. On se souvient notamment d’une tribune publiée dans Le Monde à l’occasion d’un festival de Deauville à la fin des années soixante-dix dans laquelle Blain se plaignait de l’invasion des blockbusters hollywoodiens et comparait les films de Lucas et Spielberg aux bombes atomiques lâchées sur Hiroshima et Nagasaki ! Lui-même n’employait certes pas le fleuret moucheté pour faire entendre ses idées qui étaient parfois justes par ailleurs. On l’avait revu comme simple acteur dans L’Ami américain de Wenders (76). Dans son dernier film, Ainsi soit-il (99), c’est son propre fils qui prenait le relais du premier rôle de façon troublante, tant la ressemblance physique était forte. Histoire d’un fils vengeant la mort de son père, s’ouvrant par un long plan-séquence de mise en bière, Ainsi soit-il pouvait être vu comme un auto-hommage testamentaire et prémonitoire. Coincidence étrange, Gérard Blain est mort un an jour pour jour après son maître Robert Bresson. Sa belle gueule anguleuse, sa posture de révolté perpétuel, son idée intransigeante du cinéma manqueront. Salut le cousin.
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