A 70 ans bien sonnés, le Brésilien n’a rien perdu de sa force d’invention ni de sa virulence critique.
Au milieu des années 1970, quand sa musique ne rencontrait que l’indifférence, Tom Zé avait tout d’un bricoleur farfelu, inventeur d’une moulinette artisanale capable de hacher menu plusieurs décennies de traditions populaires et savantes. Depuis qu’il a été sauvé de l’oubli à la fin du siècle dernier, il ressemble davantage à un savant fou, aux commandes d’une surpuissante centrifugeuse dans laquelle il se plaît à précipiter la phénoménale quantité de sons, d’idées et de visions qui se télescopent dans son inépuisable cerveau.
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Inspiré par la lecture d’une étude marketing de MTV, décrivant le jeune public de la chaîne comme “égoïste, consumériste, hédoniste, étranger à tout esprit de solidarité comme à toute responsabilité sociale”, Danç-Eh-Sá résonne comme un pamphlet contre la bêtise servile et satisfaite de ce temps. Mais, comme toujours chez Tom Zé, le plaisir est ici le meilleur allié de la colère, et la fantaisie
devient le bras armé d’un esprit critique réfractaire aux plus sournoises formes d’ordre.
Tout en détournant les codes de la musique de jeunes (rythmiques mécaniques, paroles réduites à des onomatopées, mélodies minimales) et la langue fougueuse des folklores régionaux, les sept pièces de ce disque aussi dansant que dense s’amusent à réactiver le souvenir de toutes les révoltes des minorités qui ont construit la nation brésilienne.
Manière de rappeler qu’hier comme aujourd’hui il n’est pas d’entreprise de libération des corps et des consciences qui puisse faire l’économie d’une pensée tournée vers l’exultation de l’esprit comme vers l’exaltation des sens.
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