Au lendemain de la victoire du « non » au référendum grec, le ministre des Finances et de l’Economie Yanis Varoufakis a annoncé sa démission sur son blog. Pourquoi cette décision, alors qu’il l’avait annoncée en cas de victoire du « oui » ?
C’est une décision inattendue: alors qu’il a été l’un des principaux architectes du « non » au référendum grec, victorieux hier, le ministre de l’Economie et des Finances, Yanis Varoufakis, a annoncé ce 6 juillet sa démission sur son blog. Le motif invoqué ? Il l’exprime de manière lapidaire et assez évasive sur son blog :
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« Peu de temps après l’annonce des résultats du référendum, j’ai été informé d’une certaine préférence des membres de l’Eurogroupe, et de ‘partenaires’ associés, pour mon… ‘absence’ de ses réunions ; une idée que le Premier ministre a jugée potentiellement utile à l’obtention d’un accord. C’est pourquoi je quitte le ministère des Finances aujourd’hui ».
Une manifestation de bonne volonté ?
Est-ce la seule raison qui motive le départ de Varoufakis ? Il est vrai qu’avec sa personnalité hors normes et son goût pour la provocation (voir ses tweets à l’humour mordant), il s’était aliéné les instances européennes, et notamment son homologue allemand, Wolfgang Schäuble.
Two nights ago I saw S, Beckett’s Happy Days (Greek National Theatre). Splendid performance(s). Such a relief from you know what…
— Yanis Varoufakis (@yanisvaroufakis) 20 Février 2015
Le 21 février dernier, il a ainsi été écarté d’une réunion entre les ministres des Finances de la zone euro pour parvenir à un accord. Dernièrement, il avait accusé les créanciers grecs de « terrorisme » dans une interview au quotidien espagnol El Mundo.
Selon toute vraisemblance, sa démission s’apparent donc à un gage de bonne volonté auquel aurait consenti à la demande du Premier ministre grec, Alexis Tsipras.
« Tsipras a dû lui suggérer de le faire »
Interrogé par Les Inrocks, le politologue Philippe Marlière, auteur de La Gauche radicale en Europe (éd. Du Croquant, 2013) estime que c’est la thèse la plus évidente :
« La raison principale de sa démission c’est que, comme il le sous-entend sur son blog, Tsipras a dû lui suggérer de le faire, dans l’intérêt d’une reprise harmonieuse des négociations. C’était certainement un condition posée par l’Europe, et Tsipras a consenti à ce geste d’apaisement ».
Pourtant d’autres thèses émergent. On pense évidemment au dépit ressenti par le ministre, affrontant seul 18 partenaires’ résolument opposés à lui. L’économiste Jacques Sapir, auteur de Faut-il sortir de l’euro (éd. Seuil, 2012), avance même sur son blog que cet européen convaincu « doit vivre le comportement de l’Allemagne et de l’Eurogroupe comme une tragédie ».
« Varoufakis n’était plus l’homme de la situation »
Mais le sens de la démission de Varoufakis pourrait être aussi politique, si l’on prend en compte l’identité de son remplaçant, Euclid Tsakalotos, réputé pour son scepticisme vis-à-vis de l’Euro (à la différence de Varoufakis). Et si Alexis Tsipras se préparait tout simplement au Grexit ? Contacté par Les Inrocks, Jacques Sapir développe cette hypothèse :
« Varoufakis est un partisan d’un autre euro, mais il est pour l’euro, ce qui n’est pas le cas de Tsakalotos. En acceptant de démissionner, Varoufakis permet donc trois choses : d’une part, il permet à Tsipras de dire à l’Eurogroupe qu’il fait des sacrifices ; d’autre part, il se donne une image de Cincinnatus, qui est là pour servir mais pas pour se servir ; et enfin, c’est une manière pour Tsipras de se préparer au pire, c’est-à-dire à la sortie de l’euro. Varoufakis n’était plus l’homme de la situation ».
Cependant Tsipras insiste bien, depuis toujours, sur le fait qu’il n’est pas favorable à la sortie de l’Euro. Si elle intervient, ce sera donc « par accident », estime Philippe Marlère.
Varoufakis savait qu’il était détesté par les membres de l’Eurogroupe. Quelque part, sa démission ressemble donc à une offrande faite à la Troïka dans l’intérêt du peuple grec : « C’est un sacrifice expiatoire : on a sacrifié Varoufakis plutôt que le premier ministre, car Tsipras n’a pas concentré les haines autant que lui », conclut Philippe Marlière.
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