Recordwoman du nombre de buts en sélection (81), l’ex internationale Marinette Pichon nous parle de l’équipe de France de football féminin, à la veille du quart de finale de la Coupe du Monde face à l’Allemagne. Aujourd’hui commentatrice des matchs des Bleues, elle évoque leur parcours et la popularisation du football féminin observée ces dernières années.
Les Bleues rencontrent en quart de finale l’Allemagne vendredi soir, numéro un au classement de la Fifa, double championne du monde et huit fois championne d’Europe. La France a-t-elle une chance ?
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Marinette Pichon – Si on regarde le potentiel présenté par la sélection de Philippe Bergeroo ces derniers mois, oui clairement, l’équipe de France peut battre l’Allemagne ! Elles ont réalisé une entrée très sérieuse dans la compétition en s’imposant face à l’Angleterre (1-0 but d’Eugénie Le Sommer). Depuis elles n’ont eu cesse de progresser dans le domaine athlétique, dans la possession de balle et dans le réalisme devant le but. Ce réalisme qui a cruellement manqué à l’équipe de France ces derniers temps. L’équipe a franchi un palier à ce niveau-là. Je les crois capables de battre l’Allemagne vendredi.
Lors du deuxième contre la Colombie (défaite 2-0), l’équipe a tout même laissé apparaître quelques doutes…
Elles sont passées à travers de ce match, en affichant notamment un manque criant d’agressivité. Leur entame de match était pourtant intéressante. Finalement la rencontre s’est apparentée à un véritable naufrage collectif. Mais cette gifle reçue a eu le mérite de réveiller l’équipe et de les mobiliser pour le troisième match face au Mexique.
On a le sentiment qu’il manque un petit quelque chose à cette équipe pour faire partie des plus grandes nations du football mondial…
La dernière défaite des Bleus remontait à un match amical contre les Etats-Unis (défaite 1-0, le 14 juin 2014) ! Les Françaises sont les championnes du monde des matchs amicaux ! La France fait partie des favorites de cette Coupe du Monde. Mais il va maintenant falloir qu’elles confirment ce statut, prendre conscience de leur progression en battant de grandes nations. L’équipe de France a fait du chemin depuis leur quatrième place décrochée lors de la dernière Coupe du Monde en 2011. Derrière, elles ont montré un manque de confiance dans leur potentiel affiché.
Contre l’Allemagne, il va falloir tout lâcher ! C’est une équipe bien en place, à surveiller comme le lait sur le feu. Ce sera une magnifique opposition. La tâche sera dure, très dure même, mais les Bleues n’auront pas à rougir dans la compétition. Nous possédons des joueuses de classe mondiale comme Eugénie Le Sommer, Marie-Laure Delie ou encore Gaëtane Thiney. Depuis quatre ans les résultats sont là. Mais pour entériner l’évolution observée, il leur faut une médaille.
Quel sera la clef de ce quart de finale face aux Allemandes ?
L’opposition au milieu de terrain irrémédiablement. Il ne faudra leur laisser aucun espace, éviter la transmission du ballon entre les lignes du milieu de terrain et de la défense. Notre milieu de terrain devra être resserré. Ce sera un match très tactique.
Etes-vous surprise par les excellentes audiences des Bleues ? (W9 qui diffusait le huitième de finale face à la Corée du Sud a réalisé sa meilleure audience historique avec 2,8 million de téléspectateurs de moyenne et une pointe à 3,8 millions, ndlr)
Ces chiffres ne m’étonnent pas et sont plutôt logiques. Quand une équipe de France marche bien, on veut la voir continuer à gravir les marches et continuer à conquérir le cœur des Français. Mais il faut retracer le chemin parcouru depuis 2011. L’équipe était alors méconnue du grand public. Il a fallu un engouement des chaînes de télévisions mais aussi une équipe de France performante, composée de joueuses aux qualités physiques et techniques pour intéresser les Français. C’est toute cette alchimie qui explique les excellentes audiences aujourd’hui. A nous d’être macho aujourd’hui et d’avoir envie que la France l’emporte ! [rires]
Ne pouvons-nous pas regretter qu’une grande chaîne publique ne retransmette pas ce match ?
France 2 avait réalisé une très belle audience en diffusant la finale de la Ligue des Champions féminines le 14 mai dernier (qui a opposé Francfort au Paris Saint-Germain, ndlr)). Presque 3 millions et demi de téléspectateurs pour un match à 18 heures, c’était encourageant. Mais c’est comme ça… On sait que c’est une nouvelle bataille à chaque fois pour le football féminin. Nous n’avons pas tous les tenants et aboutissants au niveau financier de ces chaînes. Mais il faut souhaiter que le football féminine ait encore plus de visibilité.
On a pu observé qu’il était parfois difficile de changer les mentalités. Concernant notamment les déclarations de Bernard Lacombe en 2013, alors que l’Olympique Lyonnais possède l’une des équipes féminines les plus performantes… (en mars 2013, le conseiller du président Jean-Michel Aulas avait déclare : « Je ne discute pas avec les femmes de football. Je le dis parce que c’est mon caractère. C’est comme ça. Qu’elles s’occupent de leurs casseroles et puis ça ira beaucoup mieux », ndlr)
Il y a des crétins partout… Il est allé un peu loin en déclarant ça, puis il s’est excusé à demi-mot. Plus généralement, je pense que les mentalités ont évidemment besoin d’évoluer. On n’en est pas encore à un situation idyllique, mais des paliers ont été franchis. La preuve, aujourd’hui, quand on parle du football féminin, on a plus de facilité à citer les noms de plusieurs joueuses.
Vous l’avez dit, la quatrième place glanée lors de la Coupe du Monde de 2011 a donné une nouvelle visibilité aux Bleues. Ne pensez-vous pas aussi que le fiasco vécu par l’équipe masculine lors de la Coupe du Monde 2010 (et la grève des joueurs de Knysna) a également joué en votre faveur ?
Complètement, nous avons surfé sur ce désamour ! Le public a alors découvert une autre équipe de France, beaucoup plus accessible, avec l’envie de prouver qu’elle existait et qu’elle pouvait, elle aussi, se montrer performante. En 2010, l’équipe masculine a complètement loupé sa sortie, le public a pu observé en direct leur comportement inadmissible et la façon dont les joueurs ont laissé leur sélectionneur Raymond Domenech seul. Derrière, nous sommes arrivées de façon sympathique et accessible, et qui plus est, avec des résultats. Je pense que ça a plu.
Vous n’avez jamais caché votre homosexualité. Un sujet qui reste tabou dans le football masculin. Pensez-vous qu’il en soit de même dans le football féminin ?
Je ne sais pas trop, c’est vrai les mentalités sont assez rigides et que le sujet est tabou. J’ai la sensation que, autant dans le football masculin que féminin, il n’est pas toujours évident d’être « soi ». Me concernant, je ne voyais pas pourquoi je devais mentir. Je n’avais pas envie qu’on m’emmerde. C’est compliqué vous savez, la société d’aujourd’hui reste dure avec ceux qui ne suivent pas le même chemin qu’elle. Beaucoup se permettent de juger, d’avoir des regards blessants. De nombreux jeunes et moins jeunes en souffrent. Juste pour ça , nous n’avons pas le droit d’abandonner.
Pour finir, un pronostic pour le match contre l’Allemagne ?
Je vais essayer de ne pas être chauvine (rires). Tout va dépendre de notre entame de match. Si, comme face au Mexique et à la Corée du Sud, nous faisons une belle entame de match, bien maîtrisée et qu’on leur impose une pression, on s’imposera. Mais si jamais notre entame de match est brouillonne, on ne gagnera pas. Mais je vois tout de même la France l’emporter !
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