Le très habile Baby Bird continue de fuir la gloire promise en refusant de maquiller ses chansons, présentées au naturel. Incontestablement, Stephen Jones a ralenti la cadence de son activité musicale : lui qui aimait proposer jusqu’à deux albums de Baby Bird par an a adopté un rythme plus raisonnable et pris quelques longs mois […]
Le très habile Baby Bird continue de fuir la gloire promise en refusant de maquiller ses chansons, présentées au naturel.
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Incontestablement, Stephen Jones a ralenti la cadence de son activité musicale : lui qui aimait proposer jusqu’à deux albums de Baby Bird par an a adopté un rythme plus raisonnable et pris quelques longs mois sabbatiques avant de se remettre à l’ouvrage. Avec Bugged, il installe une logique de fabrique, instaure une alternance déjà observée chez lui entre un disque artisanal, instinctif, troussé sur le 8-pistes et un travail plus précis, roulé comme une luxueuse mécanique et débordant d’arrangements.
Comme Dying happy répondit en son temps, par son savant bricolage et ses textes sombres, au très vigoureux Ugly beautiful et son single dévastateur, Gorgeous, Bugged prend le contre-pied du précédent album, There’s something going on, véritable soleil pop psychédélique. Pour garder le contact avec son milieu naturel, Baby Bird a délaissé un temps les grandes architectures sonores et les dorures orchestrales pour reprendre son souffle dans un trio commando, des chansons venimeuses et une intransigeance forcenée.
Passé les trois premières minutes de rage électro-tribale (l’inutile single The F-world), c’est assurément un des dix meilleurs disques de cette moitié d’année qui se joue ici. Neuf étalons pop taillés sur mesure, où se télescopent grandiloquence harmonique, justesse mélodique, un sens inné du contraste entre le clinquant et les touches chromatiques à peine perceptibles. Enrobées d’arrangements nobles et d’un brin de glamour, ces chansons seraient chacune candidates aux Top 10 du monde entier ; radouci par une production ad hoc, le chant de Getaway vaudrait une palanquée de Grammy Awards à son auteur ; idem pour The Way you are et Wave your hand, deux ballades majestueuses qu’un sorcier de l’easy-listening propulserait sans mal au firmament des golden hits.
Seulement voilà, Stephen Jones n’a jamais voulu faire de Baby Bird une bête à concours de beauté, ni une usine à tubes. Garde-conscience intransigeant, il détourne systématiquement ses créations de la voie royale et des salons de maquillage, en les obligeant à rester brutes, sauvageonnes. Avec leurs frimousses nature, leurs petites fantaisies électroniques et ces boîtes à rythmes maigrelettes, leur fraîcheur mutine et leurs chœurs naïfs, elles se forgent un caractère inaltérable et une beauté qui ne se révèlent qu’aux patients. Tant pis pour la gloire. Dans dix ans, ces exigences vaudront à Stephen Jones un piédestal dans l’histoire du rock.
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