Houdini, Valentino, Amelia : comme trois personnages invités autour d’un guéridon pour faire tournoyer les vestiges d’un passé vertigineux. Mon premier fut donc un magicien masochiste qui s’immergeait dans l’eau, bardé de chaînes et d’antivols à vélo (nous sommes dans les années 20), mon second un bellâtre qui, par son charme, statufiait toute âme qui […]
Houdini, Valentino, Amelia : comme trois personnages invités autour d’un guéridon pour faire tournoyer les vestiges d’un passé vertigineux. Mon premier fut donc un magicien masochiste qui s’immergeait dans l’eau, bardé de chaînes et d’antivols à vélo (nous sommes dans les années 20), mon second un bellâtre qui, par son charme, statufiait toute âme qui vive au début de ce siècle, ma troisième la première femme aviateur à traverser l’océan Atlantique dans toute sa longueur (puis dans toute sa profondeur, puisqu’elle s’y noya). Mon tout, le parcours sans faille d’un quatuor écossais tout à fait bordélique : Long Fin Killie (le nom d’un poisson en patois écossais). A chaque album, chacun des trois personnages a laissé son empreinte, parfois sombre ou extravagante, toujours ambiguë. Pourtant, Amelia semble plus apaisé que les précédents. Son personnage féminin y apporte quiétude, efface les hésitations passées et lui donne l’impétuosité de l’aventurière. Après nous avoir soumis au supplice des chaînes et des cordes de ses guitares acérées, Long Fin Killie, fort d’une présence quasi maternelle, a rangé au placard ses peurs, tous ses petits bruits de crécelle et a noyé sa fièvre dans des jupons agités. Le groupe gagne en souffle ce qu’il a perdu en compositions alambiquées, mais les quatre Ecossais restent cependant marqués par une garnison de petits mystères insondables : va-et-vient des immuables instruments traditionnels, introduction de cuivres qui donnent de l’ampleur au magnifique Chrysler, batterie sous amphétamines sur Bigger than England ou Deep house, dédale de guitares hypnotiques et entêtantes (Kismet), ballades sucrées (Yawning at comets) et voix vacillantes (Gold swinger). Les morceaux de Long Fin Killie, composés comme des tableaux (rarement de refrains, pas de chansonnette à offrir en pâture à la mémoire), livrent des atmosphères confinées, oscillant entre imaginaire et réalité, entre grandeur et désuétude. Long Fin Killie a mûri et laisse derrière lui une adolescence délicieusement agitée. Subsiste une ribambelle de tics nerveux, rageurs et agitateurs qui raflent la mise.
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