Pour sa dixième édition, placée sous le signe d’une programmation best-of et d’une hype au long cours, le Hellfest 2015 a rappelé nombre de ses ex têtes d’affiche, tout en continuant de repenser l’ergonomie du site. Mais musicalement, les grosses claques viendront surtout de l’inédit !
Aux abords du site, on remarque comme on l’observait déjà au Graspop belge il y a dix ans, que les Clissonais se mêlent de plus en plus aux festivaliers, discutant sans à priori. Dans des guinguettes provisoires, l’autochtone fraternise avec le metalhead autour d’un muscadet, d’une saucisse frite ou même d’un falafel bio !
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Un petit goût branchouille
Car dans une ville de 7000 habitants où un habitant sur six est bénévole sur le Hellfest, par le biais de l’asso locale Animaje, il y a des lunes que plus personne n’a peur du Grand Méchant Loup metal. In situ, ouvrons les yeux avant les oreilles, car chaque année on affine : en 2015, exit l’espace commun Altar/Temple, sombre comme la bouche du diable. Les tentes siamoises dévolues aux courants extrêmes ont été séparées et agrandies, ainsi que la Valley, paradis du stoner. Mais, malgré une jauge baissée à 132 000 entrées payantes, elles vomissent encore du monde jusqu’aux bars installés en contrebas, voire jusqu’au skate-park en forme de cercueil. De même, dix médailles en fer forgé, de la taille d’une roue de chariot ont été scellées dans une allée traversant le site depuis la sortie du VIP. Entre food-trucks, T-shirts Cobra et barber-shop, le Hellfest commence à avoir un petit goût de branchouillerie qui en chagrine apparemment certains. Mais après tout, refoule-on les touristes du samedi soir venus roucouler sur Still Loving You en marinière ?
Musicalement, menu best-of oblige, pas de difficultés d’approvisionnement en retro-metal à signaler le vendredi. On a beau être le jour du poisson, les grands carnivores du genre sont là. D’Alice Cooper au grand-guignol de bonne facture, à Judas Priest, en net regain de forme vocale. Plus que Billy Idol, pas vu en France depuis deux décennies, en mode erratique en dépit de la maestria de son guitariste de poche, Steve Stevens. Chez Motörhead qui jouait en plein cagnard, Lemmy semble de nouveau en petite forme, laissant Phil Campbell haranguer le public. Reste que personne ne le pousse derrière le micro et que Lemmy a récemment assuré n’avoir aucun regret si tout devait s’arrêter net. Peut-être veut-il vraiment mourir sur scène, dans le plus pur Dalida style ?
L’art du contrepied
Le vendredi encore, aussi bien Mastodon (pourtant relégué sous la Valley) qu’High on Fire se sont mis en valeur, ainsi que Lamb of God ou Meshuggah dans un style plus proche du pain de dynamite. Mais c’est surtout le samedi que l’on retiendra, mettant l’année 1992 à l’honneur, avec la triplette inédite L7, Faith No More, Body Count ! Réunies de fraiche date, les quatre filles d’L7, qui chantent à tour de rôle, remuent le pit avec leur punk mélodique qui n’a rien perdu de son emprise. Quant au charisme d’Ice-T, il ravage une Warzone où on ne peut plus glisser un trois-feuilles. Et oui, il joue Cop Killer ! 1992 donc, l’année où le metal tradi a commencé à vaciller sur ses santiags, reste celle de la sortie d’Angel Dust, sommet de Faith No More dont le quintette tout de blanc vêtu jouera quatre titres. C’est là, sur une scène noyée sous les compositions florales, qu’à 21 h 45 nous touchons à l’acmé de ce Hellfest. http://www.youtube.com/watch?v=dKJUxWKop6A Drôle, inclassable et imprévisible (Mike Patton sautant au bas de la scène durant Easy pour échanger sa liquette avec le T-shirt orange d’un type de la sécu), Faith No More délivre un concert aux petits oignons. Certes, les orthodoxes de la ceinture cloutée auront peut-être eu du mal avec la reprise de Burt Bacharach en final, et Roddy Bottum, clavier ouvertement gay proclamant « il y a beaucoup de monde dans le public avec qui j’aimerais baiser. » Sans oublier le break funky de Midlife Crisis, ou Patton criant « Fuck Hellfest, let’s bring heaven into this », mais pour une fois qu’un groupe metal tord les clichés à main nues… C’est donc un sourire béat aux lèvres qu’on se laisse prendre à la magie du feu d’artifice tiré pour les dix ans du Hellfest. D’ailleurs à cet instant, Hellfest ou Disneyland, on a tous un peu dix ans… Sous la tente Altar, un show dantesque et ultra groovy des deathsters d’Obituary nous confirme qu’ils sont bien le plus grand groupe du genre, fort d’un récent Inked in blood gigantesque. Et actuellement, on ne voit que le death aussi technique que ses paroles sont gore de Cannibal Corpse, présent le dimanche au même endroit pour lui mordiller les chevilles. Toujours dans un mood happy face, on repasse devant la Mainstage pile au moment où Scorpions dégaine le terriblement heavy Blackout. Du coup, on reste pour le rappel, et hop, on se fait prendre dans les filets de Still Loving you, avant un Rock you like a hurricane qui donnerait presque des envies de vacances à Hanovre.
Nu-metal is (still) the nu black !
Ce dimanche, au soleil sur les murs de poussière, on éprouve une petite lassitude ainsi que les limites de la formule best-of. Hormis un set décapant et axé sur ses œuvres récentes d’un Exodus en grande forme, flotte parfois une impression de déjà-vu. Jusqu’à Korn ! Qui a réveillé un genre proche de l’asphyxie en 1994 et qui, ce soir, réveillera plus prosaïquement une foule agglutinée venue revivre in extenso son premier album dans un set d’une rare intensité. Devant le talent des musiciens et la voix hallucinante hurlée/feulée de Jonathan Davis, on ne peut que sourire en repensant à la presse et aux groupes phares d’alors, souvent perdus devant ce phénomène nu-metal, et dégoisant sur le genre.
Une coupure de son après 3 morceaux ne fait nullement baisser la pression, et une fois l’éprouvant Daddy terminé, le gang de Bakersfield revient pour deux rappels. Dire qu’on n’a pas retrouvé la même intensité chez Nightwish serait un euphémisme : la faute à une batterie ultra triggée qui résonne dans sa cage de plexi et un son de basse surmixé qui écrase solos et vocalises de Floor Jansen, la nouvelle chanteuse. Leader du metal symphonique depuis 20 ans, Nightwish a lui aussi cédé à ce virage maladif du folk-metal, tournant avec un joueur de bagpipes et de banjo. C’est qu’il y’en avait encore cette année du biniou-metal festif et pénible, entre Alestorm, Finntroll et les autres ! A ce train-là, il va bien y en avoir un pour reprendre Les Lacs du Connemara. Devant cette sombre pensée, autant rester sur le souvenir d’un bon vieux NOFX juste avant. Sans fioritures et punk à donf’. Bref, Hellfest original style !
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