Sur un album bouleversant et somptueux, Paul Westerberg raconte une vie de chien sur des mélodies félines. On est sans doute passé un peu vite au-dessus des deux premiers albums solo de Paul Westerberg (14 songs en 93 et Eventually en 96), mais on est sûr qu’aucun d’entre eux ne démarrait dans d’aussi légères dispositions. […]
Sur un album bouleversant et somptueux, Paul Westerberg raconte une vie de chien sur des mélodies félines.
On est sans doute passé un peu vite au-dessus des deux premiers albums solo de Paul Westerberg (14 songs en 93 et Eventually en 96), mais on est sûr qu’aucun d’entre eux ne démarrait dans d’aussi légères dispositions. Avec son titre en trompe-l’oeil, It’s a wonderful lie installe néanmoins un climat général plus pesant que sa petite morphologie folk chichiteuse ne voudrait le faire croire. Et, d’entrée, Paulo le roi de l’aphorisme dégaine ce genre de chose : « Pour les misanthropes ou les types dans mon genre, la vérité est surestimée. » Voilà qui vous pose un disque. Malgré sa conversion récente aux joies de la paternité (la preuve de ce qu’on avance braille au milieu d’une des chansons), l’ancien leader des irremplaçables Replacements n’a pas coupé pour autant son vin triste à l’eau de rose. Au contraire, Suicaine gratifaction est dans le genre (humain) un lourd catalogue du mal de vivre d’après le chaos, un récit des lendemains de dope où les os s’agitent comme des maracas, où le fond de l’oeil n’est jamais frais et où l’existence n’est qu’une chienne de survie. « C’est mal de se suicider, sauf en cas d’autodéfense », entend-on sur un prodigieux Self-defense qui serre la gorge comme du Randy Newman, avec cette majesté suprême de celui qui joue du piano debout, les deux pieds dans la mouise. S’en allant taquiner Elliott Smith sur son terrain (mots bleu dur, mélodies bleu ciel), il a lui aussi trouvé de l’or noir dans les profondeurs de cette lande miraculeuse : des Born for me ou Sunrise always listens qui remontent en surface et s’attaquent directement à la moelle épinière, s’en vont illico surfer sur le vague à l’âme, sans répit pour le coeur. Si on retire une ou deux verrues, notamment l’enveloppe de lumière épaisse et crue façon Crazy Horse (le groupe, pas le cabaret) qui entache un peu Lookin’ out forever ou Final hurrah, le reste resplendit grâce aux détails infiniment élégants de la production. Là, même si ça nous racle un peu la conscience, il faut saluer la précision de geste de Don Was qui a su rendre à ces compositions toute la nuance fébrile qu’elles réclamaient sans jamais céder à la surimpression de motifs, à la grande kermesse d’instruments acoustiques. Ici les violoncelles, mandolines, accordéons ou pianos se font des politesses, ne s’harmonisent que lorsque c’est strictement nécessaire, laissent chacun discourir dans sa langue sans s’interrompre, se marient toujours pour le meilleur. La mention « produit par Don & Paul WASterberg » au dos de l’album indique le degré de complicité entre le songwriter cabossé et le renard des studios et donne la clé de la réussite d’un album aux équilibres très fragiles, qu’un rien aurait pu faire basculer dans la fosse ordinaire du rock adulte. Même si les radios s’emparent du sautillant Whatever makes you happy pour en faire un hit saisonnier, on ne trouvera rien à redire. Car Westerberg en a écrit pour tous les goûts, toutes les humeurs : des torch-songs et d’autres vite torchées, des petits mélodrames springsteeniens (Bookmark) et des refrains à chanter sous la douche. It’s a wonderful lie, un merveilleux mensonge, mais tant qu’il y aura des disques de cette trempe, on s’obligera à y croire.
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