Tombé dans un relatif oubli depuis ses derniers faits d’armes en août 2014, le hackeur sioniste Ulcan effectue un retour en fanfare en s’attaquant à Daniel Schneidermann d’Arrêt sur Images, Pierre Haski de Rue89, et Denis Sieffert de la revue « Politis ».
C’est l’histoire d’un hacker de 32 ans qui est parvenu à faire souffler un vent de peur et de paranoïa sur les rédactions françaises. A tel point que l’auteure de ces lignes, toute courageuse soit-elle, a décidé de ne pas les signer de son nom. Histoire que le GIGN ne débarque pas chez elle en pleine nuit, comme c’est arrivé à Daniel Schneiderman, fondateur du site Arrêt sur images.
Dans la nuit du 16 au 17 juin, trente policiers de la Bac font irruption au domicile du fondateur d’Arrêt sur images après avoir reçu l’appel d’un homme se faisant passer pour lui et affirmant qu’il venait de tuer sa femme. Schneidermann ne se trouve pas sur place, et les policiers ne défoncent pas la porte.
Le lendemain, aux alentours de 4 heures du matin, une trentaine de policiers déboulent au domicile de Pierre Haski, cofondateur de Rue89, après avoir reçu un coup de téléphone d’un homme se faisant là aussi passer pour lui et confiant avoir poignardé sa femme avant d’ouvrir le gaz dans l’immeuble.
Quelques heures plus tard, les mêmes policiers arrivaient chez Denis Sieffert, directeur de Politis, ainsi qu’au siège de l’hebdo après avoir reçu des appels similaires:
Vitre brisée en pleine nuit à Politis. Ulcan instrumentalise police et pompiers pour régler ses comptes… pic.twitter.com/ZyGUYstJtf
— Erwan Manac’h (@emanach) 18 Juin 2015
Du swatting hardcore
Baptisée « swatting », ce type de canular téléphonique né dans le milieu du « gaming » consiste, donc, à faire croire auprès des autorités à une urgence chez une tierce personne. Si, aux Etats-Unis, il a été largement utilisé contre des célébrités, en France, il est l’apanage de Grégory Chelli, plus connu sous son pseudo de hackeur : Ulcan.
L’été dernier, Ulcan ciblait déjà Pierre Haski, ainsi que Benoît Le Corre, journaliste à Rue89, qui lui avait consacré un portrait. Le hackeur sioniste l’avait menacé par téléphone, avant de prendre l’identité de son père pour faire croire à la police qu’il venait de tuer femme et enfant. Résultat: le GIGN avait débarqué au domicile familial en pleine nuit. Or, Thierry Le Corre, qui souffrait d’hypertension artérielle, faisait un infarctus et tombait dans le coma quelques jours après, avant de décéder deux mois plus tard.
Un rapport médical que s’est procuré Rue89 – qui, soulignons-le, ne lâche pas l’affaire – conclut que « le stress a été un facteur déclenchant direct et certain, révélant son état antérieur« . De plus, « la survenue de cet accident à cinq jours du dernier stress n’est pas pour les experts fortuite« : » Au contraire, la pérennisation pendant quelques heures voire jours d’un stress psychologique a des répercussions en termes d’accélération du rythme cardiaque par sécrétion d’hormones de stress (catécholamines). »
Ce même rapport assure que les agissements d’Ulcan ne s’apparentent pas à du swatting mais à des attaques à la personne, susceptibles d’entraîner la mort.
Un loup solitaire ?
Les attaques d’Ulcan font à chaque fois suite à des articles dépréciatifs le concernant, ou des prises de position en faveur de la Palestine. Ainsi, Arrêt sur images et Politis ont été ciblés suite à la publication d’une tribune de Denis Sieffert, « Un canular désopilant », dans laquelle le rédacteur en chef de Politis raconte l’intervention de la police au domicile de Pierre Stambul, membre du bureau national de l’Union juive française pour la paix, ainsi qu’à ceux de Jean-Claude Lefort, ex-président de l’association France-Palestine Solidarité, et de deux autres membres de l’UJFP. Dans son article, Denis Sieffert remettait en cause la théorie du loup solitaire, selon laquelle Ulcan agirait de son propre chef, sans aide extérieure:
« Quant aux autorités françaises, font-elles tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir l’extradition de l’activiste ? L’autre question concerne les policiers : comment peuvent-ils continuer à se laisser berner par un personnage parfaitement identifié et détenteur de numéros de code qu’il n’a pas trouvés tout seul ? On serait donc sensible à une explication du ministre de l’Intérieur. Ce qui supposerait que l’on renonce à la thèse du canular commis par un supporter un peu trop facétieux de la politique israélienne. D’autant plus que la nouvelle tentative de ce loup pas si solitaire survient au moment où la campagne pour le boycott des produits venant des colonies et, par extension, du territoire israélien enregistre des succès symboliques. »
S’il n’est pas prouvé que Gregory Chelli soit bien l’auteur, ou à l’origine de ces attaques, un compte Facebook qui semble être le sien s’en réjouit:
Si son compte Twitter avait été fermé l’été dernier (le poussant à en ouvrir un immédiatement), son site Violvocal, qui contient notamment un tchat sur lequel dialoguent des hackeurs (et qui ne reçoit pour l’instant plus de nouvelles inscriptions) n’a jamais été fermé.
Contacté par Les Inrocks, son avocat, Gilles William Goldnadel, explique n’avoir aucune nouvelle « depuis mal de temps« . « Je crois savoir qu’il a démenti, mais je n’ai pas plus de lumière » nous assure-t-il, avant d’ajouter: « Il n’y a pas de doute, il est en Israël ». Or, Israël n’a pas d’accord d’extradition avec la France.
Interviewé par la chaîne I24news, Ulcan a démenti toute responsabilité dans les dernières interventions du Raid. « Tous les journaux m’accusent sans avoir aucune preuve. Je ne suis responsable d’aucune de ces actions, a expliqué le hacker. Je sais d’où ça vient mais je ne suis pas responsable. Ce sont des gens qui agissent sans mon aval. Je les connais par internet, ils ont copié mes méthodes ».
« Je les soutiens, mais ce n’est pas moi », a-t-il ajouté.