Alors que l’épisode final de la saison 5 de « Game of Thrones » vient d’être diffusé et que les fans pleurent les derniers disparus, certains critiquent ce dernier volet. Trop mou, trop violent, misogyne: que reproche-t-on à la série de HBO? Les critiques sont-elles justifiées? Analyse.
Alors que la saison 5 a touché à sa fin dimanche 14 juin, l’heure est au bilan. Passage en revue des critiques les plus souvent émises à l’encontre de ce cinquième volet.
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• Il n’y a pas assez d’action dans cette saison
Le cinquième volet de Game of Thrones aurait mis trop de temps à décoller. Lors d’un récent podcast pour Télérama le journaliste de France Culture Benoit Lagane comparait la série à un soap opera. La multiplication des personnages et des intrigues a pu, en effet, donner au public un sentiment d’imprécision et de redondance, voire de lenteur plombante. Certaines scènes bâties uniquement sur des dialogues entre deux personnages jurent avec l’idée agitée que l’on se fait de la série.
Pourtant depuis ses débuts, le programme a toujours fonctionné de la sorte. La série reposait sur un équilibre fragile entre jeux de pouvoir et heroic fantasy. Il n’y avait pas moins d’une demi-douzaine de prétendants au trône de fer, de Renly à Stannis Baratheon en passant par Rob Stark. En avançant, la série a éliminé certains d’entre eux, faisant passer la bataille pour le pouvoir au second plan. Aujourd’hui, les enjeux sont plus locaux, les intrigues plus resserrées dans le temps et l’espace. Aussi il n’est pas toujours évident de s’intéresser aux tribulations de Jon Snow ou à l’errance d’Arya, bien que les séquences soient nécessaires au développement de l’histoire. Les péripéties de Jaime Lannister à Dorne sont un exemple flagrant d’une storyline qui n’aurait pas nécessité d’être étendues sur plusieurs épisodes comme elle l’a été.
Cette cinquième saison a tout de même honoré son contrat en terme de scènes d’action survoltées. Dès le quatrième épisode (certains trouveront cette attente déjà trop longue), les Immaculés de Daenerys se faisaient massacrer par les fils de la Harpie. Quatre semaines plus tard, c’est une partie de la Garde de nuit et des Sauvageons qui étaient dévorés par les Marcheurs Blancs (qui gagnent par ailleurs de plus en plus de soutiens au sein du public)
• Les effets spéciaux ne sont pas crédibles
Les dragons font partie de l’ADN des livres de George R.R. Martin. Depuis le début de la saga, ces créatures légendaires sont à la fois objet de fascination et de crainte de la part de tous les personnages ainsi que des téléspectateurs, qui savent que ceux-ci joueront un rôle important dans la résolution de l’intrigue. Aussi, lorsque ceux-ci commencent à grandir, Daenerys est obligée d’en enfermer deux dans un caveau pour éviter qu’ils ne s’attaquent à son peuple.
Un seul, Drogon, s’enfuit pour garder sa liberté, avant de revenir dans le neuvième épisode de la série pour sauver sa « mère », à la fin de l’épisode neuf. Daenerys enfourche son dragon, et s’envole loin de ses ennemis. Une scène attendue des fans des romans, mais qui a pu décevoir ceux de la série par son caractère trop grandiloquent; dans le reste des épisodes, les effets spéciaux étaient moins visibles ou, du moins, plus réussis.
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• Il y a trop de scènes de viol
Loin d’être anecdotiques dans Game of Thrones, les scènes de viol ont été largement plus commentées cette année que les précédentes. En cause, l’agression sexuelle de Sansa par son époux Ramsay Bolton, insupportable à regarder et à écouter. Une scène qui n’existait pas dans les livres , mais dans ceux-ci, Ramsay Bolton a une femme différente, qu’il viole aussi. Dans l’épisode suivant, c’est la sauvageonne Gilly qui est agressée par deux membres de la Garde de nuit, et est sauvée de justesse par le loup de Jon Snow.
Ces deux agressions quasiment d’affilée ont révolté certains téléspectateurs, allant jusqu’à appeler au boycott de la série. Game of Thrones serait-elle sexiste ? Le timing de l’indignation est paradoxal, tant ces scènes correspondent à la ligne éditoriale du programme, qui n’a jamais épargné aux femmes, menaces et violences sexuelles. A l’inverse, comme le fait remarquer Slate.com, le viol de Sansa, et celui auquel échappe Gilly, sont des marqueurs très clair d’une domination par la force pour prendre pouvoir, des actes condamnables et condamnés sans aucune nuance. Le téléspectateur vit même la scène à travers les yeux de Theon Greyjoy, bouillonnant de rage, car incapable de réagir.
A l’inverse, le viol de Cersei par son frère dans la saison précédente comportait beaucoup plus de zones grises, précisément car le caractère criminel de la scène n’était pas limpide. Comme on le mentionnait précédemment, Game of Thrones a clairement maltraité ses personnages féminins tout au long de cette saison. Contrairement aux hommes, abattus rapidement, les femmes souffrent sur la longueur, les châtiments qu’elles subissent s’étendent sur plusieurs minutes, voire plusieurs épisodes.
La « marche de la honte » de Cersei Lannister, nue sous les coups et insultes de son peuple, a d’ailleurs choqué à cause de son caractère supposément « gratuit » et « sa longueur » (sept minutes). On peut pourtant observer la scène d’un autre point de vue; non pas celui de l’humiliation d’un personnage haï de tous (d’ailleurs, Cersei est assez complexe pour ne pas faire l’objet de réactions aussi manichéennes) mais justement une torture si lourde et interminable qu’elle retourne la charge de la culpabilité. Soudain, on ne peut plus jouir du spectacle de la déchéance la reine mère; l’animosité du téléspectateur se déplace de Cersei au peuple à mesure que la scène se déroule.
Ces violences n’effacent en rien d’autres critiques portées contre certaines marques de sexisme de la série dans son ensemble, mais elles ne sont pas spécifiques à cette cinquième saison. Comme toujours, seules les femmes sont montrées entièrement nues, tandis que l’on attend encore l’apparition d’un organe génital masculin sur le petit écran (hormis celui d’un dérangé qui s’exhibe devant Cersei, lorsque celle-ci marche nue dans la ville). Comme toujours, des personnages comme les filles d’Oberyn Martell ne sont là que pour émoustiller le téléspectateur à grands coups de tétons qui pointent entre les barreaux d’une prison.
• On s’éloigne trop des livres
Les fans des livres s’en agacent, les autres se réjouissent. L’époque où les lecteurs de la saga détenaient le savoir et pouvaient spoiler leurs camarades sans vergogne est révolue. La série Game of Thrones, avec son rythme de diffusion annuel, a dépassé les livres de son papa George R. R. Martin. Sur son blog, l’auteur américain a déclaré qu’il était parfaitement conscient du décalage et qu’il l’acceptait pleinement:
« La série télévisée est la série télévisée, les livres sont les livres, ce sont deux façons différentes de raconter une même histoire », a-t-il souligné.
Ainsi plusieurs événements ne se sont pas déroulés dans la série comme dans les romans : du mariage de Sansa au kidnapping de bébés par le chef des Marcheurs Blancs, en passant par Arya qui ne devient pas aveugle pour les mêmes raisons ou encore Tyrion qui n’a pas encore rencontré Daenerys. Game of Thrones devient en effet une série à part de l’oeuvre de George R. R. Martin. Un double qui ne lui a pas juré fidélité mais promet simplement de respecter la fin choisie par l’auteur, lorsqu’elle arrivera à son terme en 2017.
Le rapport de force s’inverse: pour ne pas être spoilés, les amateurs des romans devront probablement s’enfermer au fond d’une grotte pendant les deux prochaines années, tellement le tapage autour de la série est devenu important. Peut-être que, comme le souligne Pierre Sérisier sur le Monde.fr, le plus intéressant sera de revoir la série « dans dix ans« , « loin du bruit et de la fureur. Au calme, au long cours. » D’ici là, la fureur et les critiques se seront peut-être apaisées, et qui sait ce qu’il restera de cette série-phénomène, qui captive les fans du monde entier mais laisse, au mieux, la critique tiède? Le rapport de force aura peut-être, lui aussi, basculé d’ici là.
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