Pour accéder plus souvent au plaisir, certaines femmes n’hésitent pas à se faire injecter de l’acide hyaluronique dans la zone supposée du point G. Un business juteux récupéré par les chirurgiens esthétiques.
Au téléphone, la secrétaire de cette très chic clinique parisienne se veut rassurante : “Les chirurgiens ont l’habitude, c’est simplement une injection, ça dure dix minutes.” Voilà ce que peuvent entendre les femmes qui appellent pour se renseigner sur l’amplification du point G. L’ampli… Quoi?
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L’amplification du point G est une pratique chirurgicale de plus en plus courante – impossible, cependant, de récupérer des chiffres car ces injections ont lieu en cabinet et échappent aux statistiques. Elle consiste en l’injection d’acide hyaluronique – un produit utilisé également ces dernières années pour le comblement des rides – dans la zone supposée être le point G. La promesse ? La zone se gonfle et les sensations durant la pénétration sont censées s’intensifier. En clair, les femmes auraient davantage de plaisir.
Baisse de plaisir et de libido
En France, derrière cette pratique, il y a un nom qui revient souvent, celui du Dr Marie-Claude Benattar. Gynécologue depuis plus de trente ans, celle qui se dit l’initiatrice de la technique de l’amplification du point G a vu défiler beaucoup de femmes qui se plaignaient de “leur baisse de plaisir et de libido”. En 2004, la spécialiste lit un article sur la prostate féminine et découvre en même temps les travaux du Dr Matlock “qui prélevait de la graisse et la réinjectait dans le point G pour le redoper”. Ensuite, mais c’est une autre histoire, ce fameux Dr Matlock a poussé sa pratique de la chirurgie à l’extrême en modelant sa femme selon ses critères de perfection. Bref. Très vite, Marie-Claude Benattar se met donc en contact avec un laboratoire et choisit, elle, d’utiliser de l’acide hyaluronique. Elle travaille avec un premier groupe de femmes. Ces dernières ont déjà éprouvé du plaisir mais ont maintenant des difficultés à y parvenir. Le test est une réussite. En revanche, pour celles qui n’ont jamais accédé à l’orgasme, l’injection reste sans effet. “Autant elle redope le point G là où il y avait déjà du plaisir, autant elle est inefficace là où il n’y en avait pas”, précise la gynécologue.
Un chirurgien esthétique : “Franchement, je ne sais pas si ça marche. Éventuellement, ça resserre un peu le calibre du vagin et ça peut donc augmenter les sensations. Ce n’est pas complètement du bullshit mais pas loin.”
De son côté, Jean-Claude Piquard, sexologue clinicien, renchérit : “La prostate féminine est fonctionnelle chez 55% des femmes et chez certaines, elle est trop petite, voire inaccessible.” Dans ce cas-là, l’opération resterait donc sans effet. Un chirurgien esthétique, qui préfère rester anonyme, va même plus loin : “Franchement, je ne sais pas si ça marche. Éventuellement, ça resserre un peu le calibre du vagin et ça peut donc augmenter les sensations. Ce n’est pas complètement du bullshit mais pas loin.” L’injection consiste en une opération minutieuse. Marie-Claude Benattar “repère avec une petite languette en bois la zone qui, anatomiquement, se situe sur la paroi vaginale antérieure, le long de l’urêtre, à deux centimètres” et elle injecte “en allant le plus loin possible et en revenant doucement vers la sortie pour que ça fasse comme une pastille sur la paroi”.
Un manque de connaissance de son corps
Les femmes ne peuvent-elles pas parvenir à l’orgasme en misant plutôt sur la connaissance de leur corps ? Doivent-elles nécessairement en passer par la chirurgie ? “Lorsque j’ai publié un article sur l’amplification du point G, beaucoup de femmes en désespérance se sont adressées à moi, assure Marie-Claude Benattar, car neuf femmes sur dix ressentent du plaisir clitoridien et elles pourraient accéder au plaisir vaginal mais elles ne connaissent pas bien leur corps et elles ne savent rien sur cette zone du point G car elle est située à l’intérieur et elles ne la voient pas. Et beaucoup d’entre elles n’osent pas l’explorer.”
En clinique, à Paris ou en province, les prix d’une amplification du point G varient entre 800 et 2000 euros.
Un business juteux
Pratiquée depuis 2005, cette technique implique toutefois un risque : celui “de piquer dans l’urêtre et de créer une rétention urinaire”, détaille Marie-Claude Benattar. Rien que ça. “Je n’ai jamais eu d’accident de ce genre”, tient à préciser celle qui recourt finalement avec parcimonie à l’injection. Systématiquement, elle essaie d’abord de repérer chez ses patientes si le problème est d’ordre psychologique ou pas : “Si c’est physique, ça peut marcher. En revanche, s’il s’agit d’un blocage psychologique, ça ne fonctionne pas.” Les cliniques esthétiques n’ont pas nécessairement la même éthique. D’autant qu’il s’agit d’un business relativement juteux. En clinique, à Paris ou en province, les prix d’une amplification du point G varient entre 800 et 2000 euros. De quoi faire saliver les chirurgiens esthétiques qui sont de plus en plus nombreux à proposer cette intervention. D’autant plus que “les effets durent seulement six à huit mois, ce qui arrange tout le monde puisque les patients reviennent”, admet Jonathan Rausky, chirurgien esthétique dans une clinique parisienne.
Certains médecins n’hésitent pas à vous dire qu’il est inutile de consulter son gynécologue au préalable.
Et si certains médecins prennent des précautions en précisant qu’ils ne pratiquent pas “une injection du point G standard” et cherchent “à savoir s’il y a des sensations vaginales et si on peut les améliorer”, d’autres sont moins consciencieux et proposent de vous faire l’injection dès le premier rendez-vous. Certains n’hésitent pas à vous dire qu’il est inutile de consulter son gynécologue au préalable. Pas de quoi crier au scandale, estime Jonathan Rausky pour qui l’opération est banale : “Ça ne me choque pas du tout, mis à part un frottis cervico-vaginal de moins de trois ans, il n’y a pas d’examen supplémentaire indispensable.” Marie-Claude Benattar voulait pourtant éviter ça : “Je ne voulais pas que ça tombe dans les mains des chirurgiens esthétiques mais je n’ai rien pu faire. Les cliniques sont là pour faire du chiffre.” De son côté, un examen préopératoire est exigé : “J’examine les tissus, les muqueuses, le vagin et parfois même, je demande des sérologies du Sida et des hépatites.”
Julia Tissier
Cet article a été publié initialement sur Cheek Magazine
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