Fellipe Barbosa parle couramment le français. Grâce à sa mère, qui était sa prof de français ainsi que celle de Gabriel Buchmann (interprété dans le film par João Pedro Zappa), le personnage réel, l’ami dont Barbosa retrace la dernière année de vie dans Gabriel et la montagne – nous ne dévoilons rien, le film débute par […]
De passage à Paris pour la sortie de son très beau deuxième film, Fellipe Barbosa nous raconte avec émotion la grande aventure humaine que fut “Gabriel et la montagne”.
Fellipe Barbosa parle couramment le français. Grâce à sa mère, qui était sa prof de français ainsi que celle de Gabriel Buchmann (interprété dans le film par João Pedro Zappa), le personnage réel, l’ami dont Barbosa retrace la dernière année de vie dans Gabriel et la montagne – nous ne dévoilons rien, le film débute par la découverte de son corps dans une montagne africaine.
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“Tiré d’une histoire vraie”, Gabriel et la montagne est, comme son premier film, Casa grande, sorti et salué en 2015, d’une façon détournée autobiographique. Lui-même grand voyageur, notamment en Afrique, Barbosa connaissait quasiment tous les endroits où Gabriel était allé cette année-là, 2008-2009, au moment où il allait quitter la faculté brésilienne où il avait commencé ses études pour rejoindre la prestigieuse université Harvard, où il avait été reçu. Et où il n’arriva donc jamais.
Fellipe Barbosa entretient d’autres rapports avec la France. Sa compagne et collaboratrice, Clara Linhart (fille du sociologue et philosophe français Robert Linhart) a une mère brésilienne. La France, il la connaît aussi pour avoir fréquenté la Femis quand il était étudiant en cinéma de l’université new-yorkaise de Columbia, dans le cadre d’un échange entre les deux écoles.
Un tournage souvent rude
Gabriel et la montagne était présenté cette année à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique. La mère et la sœur de Gabriel, du vrai Gabriel, étaient là. Très émues. Elles avaient participé à l’aventure du film, en aidant Fellipe à reconstituer le trajet de Gabriel, le fil de ses rencontres autour du lac Victoria, grâce aux nombreux mails qu’il envoyait partout où il passait.
Fellipe reconnaît avoir été obsédé par cette histoire, avoir eu du mal à en sortir. Il a refait tout le trajet de son vieil ami Gabriel. Puis il a fallu tourner le film dans des conditions disons assez sportives. Quasiment tout fut tourné dans l’ordre chronologique. Le Burundi, alors très agité politiquement, dut être évité. Tout le monde, acteurs, techniciens et matériel voyageaient sur un camion ne pouvant transporter plus de dix-huit personnes. Parfois, Fellipe embauchait un « acteur » sur un coup de tête.
Le tournage fut souvent rude. Toute l’équipe, même le chef opérateur Pedro Sotero (qui signe aussi la photo sublime des films de Kleber Mendonça Filho, comme Aquarius), bien que souffrant d’asthme, parvint à atteindre le sommet du Kilimandjaro. « Une fois arrivé au sommet, je sentais bien que Pedro me lançait des regards de haine (il rit), mais tout s’est bien passé au final. Ce fut un miracle. Nous étions quand même à plus 5 800 mètres d’altitude. »
Comment être toujours à la bonne distance ?
On sent Fellipe encore très marqué par cette aventure un peu folle. Mais aussi très habité par sa responsabilité en tant qu’ami, homme, cinéaste. Comment être toujours à la bonne distance ? Il voulait aussi remercier, rendre hommage aux habitants de la région où est mort Gabriel. “C’est pour des raisons cinématographiques que j’ai choisi de montrer sa mort dès le début, mon scénariste était fou, il n’accepte toujours pas que je l’aie fait, encore aujourd’hui, mais je savais qu’il fallait le monter ainsi. D’abord parce que je voulais qu’on voie ces habitants, qui eux-mêmes, bien que la connaissant par cœur, savent que leur montagne (le mont Mulanje, au Malawi) est secrète, et qu’elle ne rend que le corps des hommes de valeur. C’est ce qu’ils m’ont dit de Gabriel…” Et puis Fellipe savait que ce début entourerait le reste du film d’un voile de tristesse : ce sourire que Gabriel adresse à sa copine (Caroline Abras) au moment où elle doit repartir pour le Brésil, nous savons qu’il est le dernier et ils ne le savent pas.
Et puis s’il ne semble pas mystique, Fellipe respecte les croyances des gens qu’il croise lors de ses voyages, est sensible aux signes que lui envoie la vie. Il dit : « Parfois, un tournage est peut-être plus beau que le film. Enfin, j’espère que ce n’est pas le cas ou que Gabriel et la montagne en bénéficie. Quand nous avons tourné les retrouvailles du cadavre de Gabriel, nous étions censés tourner la scène avec le seul de ses gants qui avait été retrouvé par les montagnards quelques années plus tôt, que sa mère nous avait confié. Mais mon régisseur, au camp de base, ne le retrouvait pas, le temps filait, la nuit allait tomber, il fallait se dépêcher, je lui ai dit de monter sans le gant pour nous rejoindre sur le plateau. Nous avions fait tout ce voyage pour arriver dans ce lieu et qu’il méritait comme nous de le voir. Quand il est arrivé, il est entré dans la petit tente de fortune que nous avions installée pour tout décor. Et il en est ressorti quelques instants après avec le deuxième gant de Gabriel qu’il avait trouvé dans la terre. Il l’a levé, nous le regardions, et il a dit : « Il nous sourit ! ».
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