Grisélidis Réal était une femme aux multiples facettes. Ecrivaine, artiste, prostituée, elle s’est aussi faite militante et amante passionnelle. Michel-Ange Vinti lui a consacré un documentaire, co-signé avec Marie-Laure Ciboulet, qui sera diffusé ce samedi 13 juin à 16h sur France Culture dans l’émission « Une Vie Une Œuvre ». Il nous en dit plus sur cette personnalité singulière.
Comment avez vous abordé la réalisation de ce documentaire ? Pourquoi vous être intéressé à la figure de Grisélidis Réal ?
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Michel-Ange Vinti – J’ai lu tous ses écrits lors de la réédition de ses œuvres aux Editions Verticales, de 2004 à 2012, et j’ai été fasciné par l’écrivaine, le personnage qu’elle était. Ce documentaire est une évocation de sa vie et de son œuvre à travers des entretiens qu’elle a accordés à France Culture et France Inter, à ce jour inexploités et méconnus, mais aussi par le témoignage de certains de ses proches, dont ses fils Igor et Boris Schimek, ses amis Josie Gay et Jean-Luc Hennig ainsi que son éditeur Yves Pagès.
Vous la dépeignez comme une « écrivain, peintre et prostituée »..
Elle était les trois à la fois, et c’est d’ailleurs ce qu’elle a demandé qu’on inscrive sur sa pierre tombale qui se trouve à Genève.
Grisélidis Réal est née à Lausanne, en Suisse, et vient d’un milieu plutôt bourgeois. Elle passe son enfance en Egypte, car son père dirige une école à Alexandrie, puis revient à Genève pour étudier les arts décoratifs. Elle en vient à se prostituer au début des années 1960, à Munich, à cause de problèmes financiers. En fait, elle est partie là-bas avec un étudiant noir américain, schizophrène, qui lui a dit sommairement : « Tu fais le trottoir ou tu crèves ». Elle a très mal vécu cette première période de prostitution, subie, comme elle le raconte dans Le noir est une couleur.
Dans les années 1970, elle décide de se prostituer à nouveau. C’était aussi pour l’argent, mais elle rejoint la révolte des prostitués à Paris en 75 et devient grande militante. Elle lutte contre toutes les formes d’injustices, et particulièrement celles contre les prostitués et les détenus.
Quel était le moteur de sa lutte ? Comment Grisélidis Réal envisageait-elle la prostitution ?
Elle voulait une prostitution libre, indépendante. Grisélidis combattait contre l’hypocrisie d’une société qui dénonce une telle pratique alors qu’elle la consomme. Et elle était féministe parce qu’elle luttait contre l’exploitation des femmes.
Quelles seraient aujourd’hui ses positions par rapport aux récents débats sur la prostitution et la pénalisation des clients ?
Je pense qu’elle serait scandalisée, mais je tiens à souligner que je parle ici en mon nom. Elle était contre les abolitionnistes puisqu’elle voulait une prostitution libre. Mais bien évidemment, elle était aussi contre les réseaux et le proxénétisme.
Dans cette vie sulfureuse, l’écriture était comme une douleur nécessaire, salutaire pour elle ?
En partie, mais Grisélidis Réal était une artiste avant tout : même la prostitution, elle en a fait une œuvre d’art et ses textes sont très habités, très exaltés. Ce n’est pas une écrite de témoignage, c’est une écrivaine qui écrit sur la prostitution, sur ses amours, sur la vie.
L’amour, que vous venez d’évoquer, semble tenir une grande place dans ses écrits, car elle dit avoir aimé passionnément au cours de sa vie…
C’est ce que je défends dans ce documentaire, Grisélidis Réal en grande écrivaine de l’amour. Ce qui a été produit sur elle depuis qu’elle est décédée est très axé sur le militantisme de la prostitution – et j’en parle aussi, car ce combat tient une place centrale dans son histoire. Mais il est aussi intéressant de rappeler le rôle de l’amour dans sa vie, la recherche de l’amour possible et impossible.
https://soundcloud.com/franceculture/griselidis-real-1929-2005-ecrivain-peintre-et-prostituee
« Grisélidis Réal, écrivain, peintre et prostituée (1929 – 2005) », à retrouver dans l’émission « Une Vie Une Œuvre » diffusée samedi 13 juin 2015 à 16h sur France Culture.
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