La série de Jenji Kohan « Orange Is the New Black » revient pour une troisième saison à la fois explosive et fine, dans la lignée des précédentes.
Qu’arrive-t-il à une série quand elle perd le bénéfice de la fraîcheur et de la nouveauté ? Elle se retrouve aimée ou détestée pour ce qu’elle est vraiment. Un test de vérité, voilà ce qui attend désormais Orange Is the New Black (OITNB pour les intimes), dont la troisième saison arrive sur Netflix. A coups de grosses douzaines d’épisodes balancées de manière régulière depuis les beaux jours de 2013, la création de Jenji Kohan (Weeds) s’impose déjà comme une vieille connaissance, maîtrisant un genre, la dramédie – mix de drame et de comédie –, qu’elle n’a pas inventé mais dont elle fournit un exemple vivace, voire jusqu’au-boutiste, passant de l’empire de la vanne plus ou moins légère au traitement des grands sujets – solitude, maladie, transmission, sexualité – avec une souplesse de chat.
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Dans cette vue en coupe d’une prison de femmes, où débarquait au premier épisode une blonde bourgeoise tombée de son nid douillet, la violence ne se niche pas où on pourrait le croire. Plus de quinze ans après la massacrante Oz, qui fit les beaux jours de HBO en montrant le train-train renversant d’un quartier de haute sécurité 100 % mecs, Orange Is the New Black n’a pas fait que changer de sexe. Elle a aussi trouvé un nouvel angle sur le système carcéral américain, privilégiant les détenues qui ne purgent pas les peines les plus inimaginables.
Des vies tristement ordinaires
Les filles de OITNB ont des vies tristement ordinaires, frappées par le destin ou la connerie humaine. Les situations sont tristes. A sa manière, la série leur rend justice grâce à une morale de fer. Ne pas lâcher ses héroïnes, tel est le désir profond des scénaristes. A égalité, Piper, Crazy Eyes et les autres possèdent le droit irréductible d’aimer et de désirer. La fiction leur offre cet écrin, parfois crade mais toujours accessible, avec la plus grande générosité.
Regarder des gens vivre, tester leur capacité de transformation à travers le temps – passé, présent, futur rêvé –, rien n’est moins spectaculaire a priori. L’épreuve de vérité pour OITNB se situe exactement là. Au bout de trois saisons, chacun a compris que l’enjeu dépasse les lignes narratives au long cours. La religion de l’intrigue, Jenji Kohan s’en fiche. Elle préfère créer des agencements humains et mettre en place des minicrises répétées dont le chemin vers la résolution est plus intéressant que la résolution elle-même.
Des scènes déchirantes, des dialogues fulgurants
Cette année, par exemple, le pénitencier de Litchfield se trouve sous la menace d’une fermeture, tandis que la girlfriend de Piper, Alex, effectue son retour en prison. La politique d’un côté, l’amour de l’autre. L’essentiel, le corps et le cœur des épisodes, se situe pourtant ailleurs, dans la routine de ces vies passées entre douches, lits et réfectoire. Orange Is the New Black se permet une approche non événementielle de la narration mais jamais plate pour autant. Elle croit en la singularité de ses personnages, en leur diversité radicale. Ici, personne ne s’excuse jamais d’être ce qu’il est, sexuellement, ethniquement, socialement. Un spectacle en soi qui, dans le brouhaha et la confusion actuels, fait beaucoup de bien.
La beauté résiste et nous rouvre les yeux au moment où ils pourraient se fermer par lassitude. Elle surgit sans vraiment prévenir, à travers des fins de scènes déchirantes, des détails montés en épingle, des correspondances subtiles, des dialogues fulgurants. A une fille qui a un peu de mal à comprendre son fonctionnement, la plus butch des détenues de Litchfield porte un toast en forme de leçon de vie : “Au paradis, à l’enfer, et à rien entre les deux.” La philosophie même de OITNB.
Orange Is the New Black saison 3 à partir du 12 juin sur Netflix
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