Décortiquer les ressorts du comique et en faire un spectacle, il fallait oser. Jos Houben a créé “L’Art du rire” et c’est irrésistible.
A-t-on déjà vu un magicien expliquer ses tours ? La métaphore vaut ce qu’elle vaut, mais ce qu’ont en commun l’illusionniste et le comique repose bel et bien sur la production d’un phénomène, d’un événement, dont le public se fait volontairement le captif amoureux, le cobaye consentant, le crédule ébaubi. Si bien qu’on ne va pas voir, ou revoir, L’Art du rire de Jos Houben, dont la première version remonte à 1998, pour autre chose que ce qui fait le sel du comique : rire un bon coup ; mais, et cela ajoute au plaisir, en connaissance de cause.
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Lui appelle son show un séminaire, une masterclass dont le sujet est le rire. Et l’objet, le corps. En l’occurrence, le sien : “Un spécimen masculin, d’1,87 m, belge, vertical.” Car, tout est là, dans cette verticalité qui, du bébé à l’adulte, de l’homo erectus à l’homo ludens (celui qui joue), compartimente en trois étages les données fondamentales de son rapport au monde. Bassin, poitrine et tête se portent différemment selon les caractères et les situations vécues, dont une fine observation, maître mot du comique en herbe, permet d’hilarantes démonstrations. Arrogance, manque de confiance en soi, perte de dignité ou réflexions vaseuses ont le chic pour se localiser dans l’un des trois étages corporels et modifier ou ruiner cette belle verticalité.
Imiter du fromage
Le rire est toujours une réaction soudaine à un événement imprévu qui met en péril l’équilibre. D’où l’imparable chute comme point d’orgue du comique, au point que le langage s’en est emparé pour désigner la résolution d’une blague. De fil en aiguille, Jos Houben détaille l’éventail de la panoplie du comique où interviennent la durée, la tension musculaire, le conflit entre deux mouvements ou leur déconstruction, l’anthropomorphisme, ou la capacité à imiter des choses, du fromage par exemple, en leur donnant des caractéristiques humaines.
Le rire est insolent, subversif, amoral, contagieux. Il ne se décrète pas, il surgit. En nous dévoilant ses ficelles et son mécanisme, Jos Houben nous offre en partage l’éclatante démonstration que le rire est le propre de l’homme. Sa soupape, son court-circuit salvateur à la raideur que le réel impose.
L’Art du rire conception et jeu Jos Houben, jusqu’au 28 juin au Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe, theatredurondpoint.fr
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