Malgré la volonté du gouvernement d’interdire le système controversé de « covoiturage » UberPop, l’entreprise américaine vient de lancer son service dans trois nouvelles villes de France. Les syndicats de taxis ne décolèrent pas, estimant qu’Uber joue sur un flou juridique pour continuer à exister.
A Marseille lundi matin, ils ont été accueilli avec des jets d’œufs. Ce 9 juin 2015, Uber, la plateforme de mise en relation de véhicules de transport avec chauffeur (VTC) avec des clients, a lancé son service de “covoiturage” UberPop dans trois nouvelles villes (Strasbourg, Nantes et Marseille) après le succès rencontré à Paris, Lyon ou encore Toulouse depuis le mois de février.
Sous l’appellation « covoiturage urbain » UberPop permet à des particuliers de devenir chauffeur en utilisant leur propre véhicule, en théorie pour arrondir leurs fins de mois. Les tarifs sont moins chers que les services de VTC classiques (où les chauffeurs ont une licence, une voiture de fonction et ont été formés): les chauffeurs non-professionnels n’ont pas besoin de licence et n’ont pas d’assurance spécifique.
Les taxis, déjà en guerre contre les VTC, sont ainsi allés manifester lundi devant un hôtel marseillais où Uber avait organisé une séance de recrutement pour UberPop. D’après Libération, une femme venue se “renseigner” a été prise à partie, tandis que les autres candidats intéressés ne se seraient pas montrés pour éviter de subir le même sort. Certains chauffeurs de taxis, qui considèrent qu’UberPop leur fait de la “concurrence déloyale” en opérant une “activité de taxi clandestin”, ont également utilisé l’application de Uber pour commander un UberPop et l’empêcher de repartir.
Sur la page Facebook de la CGT Taxi du Rhône, une vidéo a même été postée dans laquelle on voit des chauffeurs de taxi arrêter un conducteur, le forcer à s’arrêter, dégonfler ses pneus et lui casser un œuf sur la tête (à 7min55 dans la vidéo).
Marseille réagit à l’arrivée d’uberpop
Posted by CGT TAXI DU RHÔNE on Monday, June 8, 2015
Contacté par Les Inrocks, le président de l’Union nationale des taxis (UNT) Alain Griset n’a pas de mots assez durs pour qualifier cette expansion d’UberPop dans de nouvelles villes de France:
« C’est une provocation de plus, de la part de voyous, assène-t-il. La justice a déjà dit que c’était du travail dissimulé. Ce sont des tricheurs, ce sont des voyous. »
UberPop est-il interdit ou non ?
Travail dissimulé ou exercice de l’activité de chauffeur dans le strict respect de la loi ? Aucun des deux. UberPop peut en fait continuer à exister tant qu’il n’y a pas eu de jugement dans le sens contraire.
Alors que le 12 décembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a refusé d’interdire UberPop, la cour d’appel de Paris a été saisie, mais a retardé son jugement jusqu’à la fin du mois de septembre car elle souhaite attendre que le Conseil constitutionnel se prononce sur des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) déposées par Uber. En attendant, toute interdiction est suspendue et les particuliers peuvent encore s’inscrire en tant que chauffeur sur UberPop.
C’est toutefois une activité que les particuliers exercent à leurs risques et périls. La préfecture des Bouches-du-Rhône a rappelé ce mardi 9 juin dans un arrêté, cité par l’AFP, que « les conducteurs qui exerceraient illégalement la profession de taxi ou de conducteur de VTC, s’exposeraient à des sanctions pénales d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
C’est pourquoi l’arrêté précise que la préfecture va renforcer les contrôles des UberPop sur la base de « l’exercice illégal du transport de personnes à titre onéreux« .
« Ils essaient de jouer avec les procédures »
Pour apaiser les tensions avec les taxis, le directeur d’Uber France Thibaud Simphal avait affirmé au Point le 05 mai dernier que les chauffeurs UberPop étaient un peu mieux encadrés, et devraient « désormais s’inscrire comme autoentrepreneurs au-delà de 30 courses et suivre une formation en ligne sur la sécurité routière et la prise en charge de passagers« .
Interrogé par Les Inrocks en janvier dernier, il se montrait confiant quant à l’avenir prospère d’UberPop :
“On est optimistes, pour deux raisons. La première, c’est que nous avons, du point de vue juridique, de sérieux arguments. La deuxième, c’est la légitimité du service UberPop, plébiscité par les consommateurs. Si la population utilise massivement quelque chose, il est très difficile de l’interdire. »
L’argument juridique agace Alain Griset, qui estime que l’entreprise “essaie de jouer avec les procédures, pour s’implanter en attendant”. Le président de l’UNT précise qu’il « n’est pas exclu » qu’un « mouvement de grande ampleur nationale » soit à prévoir dans les jours à venir.