Super-héros à la mission obscure mais à la musique lumineuse, le Canadien Gonzales mélange insolemment pop et hip-hop. “La musique est en train de mourir, elle ne fait plus vraiment partie de ma vie. J’ai passé le cap, maintenant ce sont les idées qui m’importent vraiment. De toute façon, depuis que je vis à Berlin, […]
Super-héros à la mission obscure mais à la musique lumineuse, le Canadien Gonzales mélange insolemment pop et hip-hop.
« La musique est en train de mourir, elle ne fait plus vraiment partie de ma vie. J’ai passé le cap, maintenant ce sont les idées qui m’importent vraiment. De toute façon, depuis que je vis à Berlin, j’ai acquis le rang de maître, je n’ai plus rien à prouver dans le domaine musical. »
Pour les pauvres retardataires que nous sommes, Gonzales über alles constitue peut-être la dernière occasion de faire connaissance avec Chilly Gonzales avant que celui-ci ne s’envole vers d’autres terrains de jeux plus à sa hauteur. On pourra cependant rattraper le cours de l’intrigue, les épisodes manquants de sa mystérieuse carrière étant déjà marqués par le sceau du gag, de la loufoquerie.
Au Canada, notre Mr Gonzo du groove « Hunter S. Thompson : quelqu’un épris de vérité mais qui n’oubliait pas de se marrer » aurait déjà tenté de révéler les dessous de l’industrie du disque. « On a publié des photocopies de mon contrat d’artiste, j’ai dévoilé certaines ficelles. La major qui m’employait n’a pas apprécié : elle m’a donné de l’argent et mon exil a commencé. Après trois mois passés à Paris, je me suis installé à Berlin. Dans cette ville, je peux donner libre cours à mes super-pouvoirs : jouer du piano et me lancer dans des freestyles. » Personnage de comics, charlatan rusé ou génie possible, Gonzales brouille définitivement les pistes de réflexion, s’octroie tous les droits : sonner à la fois prétentieux et idiot, doué et calculateur. Partie intégrante de sa vie, cette audace se retrouve intacte dans sa facilité à rendre caduques des frontières. On l’avait découvert rappeur furieux et sauvage. Sur Gonzales über alles, il laisse voir, derrière des apparences hardcore, un cœur tendre, des velléités d’amadouer avec du miel pop, des friandises dignes de la confiserie Bacharach les merveilleux Why won’t we disappear et You are que Gonzales destinait dans ses rêves à Françoise Hardy. « Mes mélodies me servent d’armes, affirme le super-héros, les yeux uniquement tournés vers sa mission. Les gens doivent redevenir égoïstes, se concentrer sur eux-mêmes. »
Bassement hédonistes, on se permettra d’avoir l’esprit ailleurs, occupés à reprendre à tue-tête Let’s groove again, hymne languide pour l’autoradio et la route du soleil. Flirter avec le ridicule, redevenir simple mortel : Chilly n’a peur de rien (nommer un morceau Gringo star, jouer avec Jim Morrison comme avec une marionnette sur Walked for hours). Il remporte pourtant à l’arrivée le trophée du prestidigitateur le plus soufflant et malin depuis Beck.