En rade. Inquiet, tourmenté, insatisfait chronique, Michel Portal n’en finit plus de chercher son second souffle. En vain. Inutile de biaiser indéfiniment en de subtiles et vaines circonvolutions : il y a un vrai problème “Michel Portal”, et quelles que soient ses qualités intrinsèques, ce n’est pas ce nouvel enregistrement, le meilleur (hélas !) depuis […]
En rade. Inquiet, tourmenté, insatisfait chronique, Michel Portal n’en finit plus de chercher son second souffle. En vain.
Inutile de biaiser indéfiniment en de subtiles et vaines circonvolutions : il y a un vrai problème « Michel Portal », et quelles que soient ses qualités intrinsèques, ce n’est pas ce nouvel enregistrement, le meilleur (hélas !) depuis belle lurette, qui contredira fondamentalement le diagnostic. Pour dire les choses vite et crûment, voilà près de quinze ans maintenant que l’on assiste, circonspect, au lent naufrage d’un des musiciens français contemporains les plus adulés, respectés, reconnus, et assurément talentueux, de la scène internationale. Au point que pour qui, comme moi, ne s’est intéressé au jazz qu’à partir des années 80, Michel Portal est à la fois un mythe et une énigme.
Un mythe, car peu d’artistes ont cette aura dans le milieu du jazz français, notamment auprès de la génération d’amateurs et de musiciens qui avaient entre 20 et 30 ans dans la première moitié des années 70, totalement happée par la folie Portal, la fougue, la rage, la poésie inquiète d’un musicien hors norme. Il y a depuis lors un attachement à Portal qui dépasse infiniment la déférence respectueuse et polie que l’on doit à une institution, mais relève définitivement plus de l’amour nu, de la passion adolescente. De celles, indélébiles, que l’on ne remet pas en cause sans un profond bouleversement intime. D’où le mythe… Jeter un regard clinique, froid, sur Portal, c’est pour tout un tas de gens faire un retour violent au réel… vieillir, quoi !
Et pourtant, depuis 1985, et la parution de l’album Turbulence, disque charnière qui semblait à l’époque inaugurer une nouvelle ère en proposant d’inédites orientations, et s’est en fait vite révélé une mine de redoutables culs-de-sac esthétiques, Portal accumule les errances phonographiques, le summum ayant été atteint avec l’album Any way, superproduction à la fois bricolée et boursouflée, authentique désastre artistique… Si bien que pour qui n’a jamais eu affaire qu’à ce Portal-là, le statut du musicien ne peut que laisser dubitatif… Il suffit pourtant de jeter une oreille sur les enregistrements mythiques de Châteauvallon 72 et 76, malheureusement non réédités en CD, pour comprendre dans l’instant l’importance historique du musicien et regretter d’autant plus l’insignifiance de ses productions actuelles.
Alors certes, Dockings (« radoubage » en anglais on sent confusément une volonté de se remettre à flot) est porteur de quelques promesses : une formation séduisante sinon homogène avec notamment d’intéressantes orientations rythmiques, une bonne qualité thématique d’ensemble, quelques séquences vraiment réussies dans une veine qui semble renouer avec une improvisation plus libérée… Honnête, sans plus. Pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, personne ne peut se satisfaire de ça pour un disque de Portal.
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