Le procès du groupe islamiste Forsane Alizza s’ouvre ce lundi à 13 h 30 au tribunal correctionnel de Paris. Au bout des trois prochaines semaines, les juges devront établir si oui ou non ces anciens agitateurs du web s’apprêtaient à prendre les armes.
Difficile d’être pris au sérieux, quand on est moqué jusque dans son propre camp et que l’on se trouve affublé du sobriquet “Forsane Al-Pizza”. Et pourtant, le procès du groupe islamiste Forsane Alizza (“Les Cavaliers de la fierté”) s’ouvre aujourd’hui au tribunal correctionnel de Paris. Aux 15 membres du groupuscule, il est reproché la “participation à un groupe formé en vue de la préparation d’actes terroristes”. Un chef d’accusation loin d’être anodin pour des activistes qui s’étaient d’abord fait connaître sur le web en postant des vidéos à la limite du ridicule.
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L’arrestation des quinze militants à la fin du mois de mars 2012, juste après les tueries de Mohamed Merah, a été perçue comme une réaction du gouvernement à la sphère djihadiste. Ils étaient soupçonnés de vouloir enlever un juge lyonnais. Ce dernier avait retiré quelques mois plus tôt la garde des enfants à un membre de Forsane Alizza qui les avait déscolarisés et les gardait dans le noir, engendrant des troubles de croissance.
Des cibles allant de Fdesouche à Libération
A la suite de leur arrestation, les enquêteurs ont trouvé plusieurs armes, allant du pistolet à la l’AK-47. Surtout, sur l’ordinateur de l' »émir » du groupe, un Nantais âgé de 37, les autorités tombent sur un fichier nommé « cibles« . Selon eux, c’est la preuve que le groupe s’apprêtait à passer à l’action.
« J’ai été contacté par la DCRI environ un an après leur arrestation. Ils m’ont indiqué que je figurais parmi les cibles de Forsane Alizza, » nous explique Fabrice Robert. Aux côtés du leader du Bloc Identitaire, on retrouve des cibles aussi variées que l’administrateur de Fdesouche, le giron de la fachosphère, cinq magasins Hyper Cacher en région parisienne ou encore le quotidien Libération.
Islam décomplexé
Fabrice Robert a été convoqué par la juge en charge de l’instruction. Selon le militant d’extrême droite, les menaces étaient « jugées très sérieuses » par les enquêteurs. « Leur leader avait demandé à l’un des membres du groupuscule de m’assassiner, » détaille-t-il. Certains membres de Forsane Alizza auraient travaillé dans des grands groupes de téléphonie. C’est comme cela qu’ils auraient trouvé les numéros, puis les adresses de leurs cibles.
Pour autant, les membres de Forsane Alizza jugés à partir de ce lundi ont toujours clamé leur innocence. Oui ils sont les fervents défenseurs d’un “islam décomplexé” mais non, ils ne prévoyaient nullement de passer à l’action. C’est d’ailleurs là tout l’enjeu du procès, déterminer si Forsane Alizza préparait cette série d’attaques.
Code pénal et dessins animés
Dans cette affaire, difficile de déterminer le degré de radicalisation des membres de Forsane Alizza. Avant leur incarcération, en mars 2012, le groupe était loin d’être pris au sérieux. “Ils faisaient assez guignols, se remémore Fabrice Robert qui les combattait sur la toile. A cette époque on se disait même que s’ils n’existaient pas, il faudrait presque les inventer tellement ils étaient grotesques.” Créé en 2010, le groupe avait tout de l’anti-groupe terroriste.
A l’image de son truculent leader, Mohamed Achamlane, surnommé “Cortex” en hommage au dessin animé pour enfants Minus et Cortex, Forsane Alizza avance au grand jour et n’a pas peur de faire beaucoup de bruit. La stratégie du groupe est claire : le happening choc. Ils s’étaient fait connaitre en faisant irruption dans un Mc Donald’s de Limoge pour appeler au boycotte de la chaîne de fast-food, accusée d’être un « fournisseur de dollars à Israël« . Quelques mois plus tard les agitateurs de distinguent une seconde fois, encore à Limoge. Mohamed Achamlane est au micro depuis quelques minutes quand tout à coup il jette à terre un exemplaire du Code Pénal avant de frapper l’ouvrage de son pied gauche. « C’est le Code Pénal qu’il faut brûler, » haranguait l’émir à la bouille ronde et goguenarde. Pour ces deux happenings, Cortex sera condamné à quatre mois de prison avec sursis.
Une force de légitime défense contre l’islamophobie
Toutes ces actions publiques étaient savamment filmées afin d’être publiées sur Internet. Aujourd’hui encore, YouTube regorge de ces vidéos. Chacune d’elles est accompagnée par une musique de péplum oriental. Forsane Alizza avait fait de son site internet une arme de « contre-propagande« , dirigée contre Fdesouche. Ils y avaient notamment donné les coordonnées de l’administrateur du site ennemi.
Les méthodes des deux plateformes sont d’ailleurs calquées l’une sur l’autre : renvoi de liens vers des contenus externes, utilisation intensive de la vidéo, démarche participative et des appels aux dons récurrents. “On observe une forme de rivalité mimétique, notait à l’époque Gilles Kepel, politologue spécialiste de l’islam. Chaque camp conforte l’autre dans sa représentation fantasmatique.”
Si au moment de leur arrestation, peu de gens prennent vraiment Forsane Alizza au sérieux, il semblerait que le groupe se soit radicalisé petit à petit. Plusieurs fois, Cortex a répété que s’il était contre les actions violentes, son groupuscule constituait une force de légitime défense en cas d’attaque islamophobe. Dans différentes vidéos, on voit Mohamed Achamlane entraîner ses hommes au combat à mains nues mais aussi à tirer avec différentes armes à feu.
Preuve de cette radicalisation, deux ans après le coup de filet, deux anciens membres du groupe étaient arrêtés dans le cadre d’une enquête sur une filière de djihadistes vers la Syrie.
D’ailleurs, avant même l’arrestation de ses principaux membres, Mohamed Achamlane s’enorgueillissait de ses passages à l’acte. Dans une conversation, il affirmait avoir participé à un incendie criminel – même si cela n’a pas été prouvé par la justice. C’était en novembre 2011, contre le journal Charlie Hebdo.
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