Pour les amateurs les plus avant-gardistes, tour d’horizon sélectif de quelques labels electro passionnants et défricheurs.
L’electro fait rêver : avec sampler et ordinateur, plus besoin de connaître sur le bout des doigts un solfège castrateur. Du coup, la floraison des home-studios a entraîné une multiplication exponentielle de micro-labels, aux intentions affichées : prendre le relais de Warp ou de Solid dans le défrichage électronique. Quelques maisons retiennent tout particulièrement l’attention.
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Tout d’abord, le label anglais Fat Cat, qui gagne haut la main la palme de l’innovation : ici, on retrouve (à côté de Sigur Rós) le meilleur des artistes electro confidentiels, grâce notamment à une série de split-singles présentant à chaque fois deux artistes ou à une série de 45t réalisés à partir des chansons d’Emiliana Torrini.
Petit détail d’importance : ces disques, qui sortent à un rythme hebdomadaire, ne comportent qu’un minimum d’informations, à savoir : un numéro de catalogue et une adresse Internet, sur laquelle on retrouve tous les renseignements utiles, pratiques et théoriques relatifs au projet, ainsi que la totalité des morceaux en téléchargement gratuit. Bel usage de la toile.
Dans le sillage du travail de Fat Cat, signalons en premier lieu l’excellente maison Morr Music, responsable d’une petite poignée d’albums, parmi lesquels on retiendra les travaux de Lali Puna, Styrofoam, Phonem et B. Fleischmann. Cela dit, Morr Music vient d’éditer une excellente double compilation sobrement intitulée Putting the Morr back in Morrissey, qui présente un panorama assez exhaustif des électroniciens les plus cotés du moment : Arovane, Manufracture, Christian Kleine et d’autres se côtoient, se mixent et se remixent dans un joyeux lupanar, tout en montées et descentes tour à tour calmes et orgasmiques.
Toujours dans les franges et les marges, quelques labels encore confidentiels retiennent l’attention. City Centre Offices, d’abord, est une joint-venture entre Manchester et Berlin, qui a déjà commis deux disques essentiels cette année : Systems medley, un single de Snd, groupe anglais de techno minimaliste et mélodique, et Tides, le deuxième album d’Arovane, petit génie allemand qui manie les sons et les mélodies comme personne, aussi à l’aise dans l’ambient house que dans la techno bizarroïde.
Sinon, on écoutera avec délectation quelques singles de bon cru chez Awkward Silence Recordings, avec notamment un split-single Arovane/Christian Kleine, dont on attend vite un album solo. Enfin, l’electro ne serait pas la même sans les agissements de Señor Coconut, qui récidive sous le pseudo comique troupier de Los Sampler’s et un single magistral sur la petite maison Hot Air : Descarga Mecano (version muy differente) se joue à toutes les vitesses possibles, selon l’humeur, et n’a d’équivalent que dans les mondes loufoques de Tex Avery. Un must. Tout comme les productions anarcho-déglinguées du groupe-label activiste V/VM, qui commet des parodies electro de tubes énormes comme les soupes de Lionel Richie ou le Lady in red de Chris De Burgh…
Les amateurs d’électronique minimaliste et répétitive, en droite descendance de Steve Reich ou LaMonte Young, se doivent d’investir dans les sorties de Sigma Editions, label néo-zélandais basé aux Pays-Bas qui a sorti quelques CD electro au design blanc, sobre et pas menteur sur la musique : point trop n’en faut. Sigma a d’ailleurs fait paraître le premier CD de Vladislav Delay, petit Finlandais génial qui construit des cathédrales sonores et rythmiques à partir de bouts de ficelle. Vladislav Delay fait la jonction entre Sigma et les Allemands deleuziens de Mille Plateaux, ultra-activistes en matière d’electro déjantée et de tout crin. On attend notamment chez eux le nouvel album de Snd, avec une impatience bouillonnante. Dans la catégorie chouchou, on notera Raster-Noton, label allemand à l’esthétique froide et impeccable, refuge du Russe Coh et d’autres artistes atypiques, qui prônent une ascèse des moyens pour un maximum de résultats : même si elles sont inégales, les sorties de ce label recèlent quelques perles, comme les disques de Noto, alias Carsten Nicolai.
Plus près de nous, en France, le label Artefact s’est acoquiné avec Gel et les Japonais Ultra Living, auteurs d’une electro jazz mutante et hallucinée. Dans les labels hexagonaux dont il faudra suivre de très près les activités, signalons les Marseillais de Chicayork, sur lequel Superfunk et Def Bond tentent de réconcilier house et rap, les Alpins fantasques de Rodeo Gay, Pro-Zak Trax (De Pompidou mérite le détour), Sonore (pour Les Hauts De Plafond, irrésistibles) ou les excellents Parisiens de Musiques Hybrides, maison tenue par Olaf Hund.
Toujours en France, on ira mater du côté de Roulé, label de Thomas Daft Punk Bangalter, pour mesurer la température de la house internationale. Cette maison vit dans l’indépendance, comme dans les années punk, et écoule des dizaines de milliers de disques en toute impunité aux quatre coins du globe : petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Ces derniers temps, Roulé a sorti le Together de DJ Falcon, un maxi efficace et entêtant.
Dans le genre house patraque, on se ruera sur le Make it happen de Playgroup alias Trevor Jackson, boss du label Output, qui fait désormais danser une Grace Jones imaginaire sur la rythmique de PIL. Il faut terminer par le meilleur, c’est-à-dire Playhouse, label allemand qui sort quelques disques de house essentiels, dont l’excellent album de Losoul, samplant à s’en faire taper sur les doigts des tubes de Michael Jackson : un disque drôle, jouissif, sérieux, répétitif, à consommer sur le pouce, en dansant ou en dormant. Rien de plus, rien de moins.
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