Dans les années 90, la pop anglaise a royalement méprisé la culture ? T’es-tu parfois senti à l’étroit dans ce milieu ? Il y avait beaucoup de limites, de sacrifices. On se contentait de dire que nous aimions lire et même ça, ça passait pour de la prétention. Oasis était l’antithèse de cette soif de […]
Dans les années 90, la pop anglaise a royalement méprisé la culture ? T’es-tu parfois senti à l’étroit dans ce milieu ?
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Il y avait beaucoup de limites, de sacrifices. On se contentait de dire que nous aimions lire et même ça, ça passait pour de la prétention. Oasis était l’antithèse de cette soif de culture : boire de la bière, aller au foot puis écouter les Beatles, ça semblait leur suffire. Ils ont fait beaucoup de mal au pays, avec toute cette culture beauf liée au magazine Loaded, un truc très rétrograde… Au moins, quand je pars dans mon appartement en Islande, je rencontre des gens qui n’ont pas honte d’être à la fois poètes, musiciens, danseurs, charpentiers et fans de foot. Moi, quand j’étais gamin, on m’encourageait à me passionner pour la culture. Mon père et ma mère étaient artistes, comme la plupart de leurs amis. A 2 ans, je passais déjà ma vie dans les vernissages une activité que j’adore toujours. Du coup, j’étais tellement immergé dans la culture que j’étais jaloux des autres enfants, qui allaient voir les matchs de foot ou allaient en vacances à la plage. Nous, c’était systématiquement des villes historiques, des monuments. Mes parents n’avaient pas un disque de pop dans leur collection : que du blues, du jazz, de la musiques arabe, indienne ou africaine. A l’époque, je me suis rebellé contre ça en écoutant les Who ou en me passionnant pour le foot, mais je me suis rendu compte ces deux dernières années que j’avais ces musiques du monde dans le sang.
Est-ce l’école qui t’a fait découvrir le rock ?
A l’école, je me baladais avec mon violon dans une main et Le Capital de Karl Marx dans l’autre, ça ne me rendait pas très populaire, je me suis régulièrement fait tabasser. J’ai ainsi été le premier à porter une boucle d’oreille, que le gros bourrin de l’école m’a arrachée en m’insultant, en plein cours de chimie. Deux semaines après, il en portait une… Ça a été une confirmation : je devais être différent sous risque de me gâcher. La seule option que m’avait présentée notre conseiller d’orientation, c’était de devenir directeur de grand magasin. Alors que moi, depuis toujours, je voulais être acteur ou musicien. La musique, c’est arrivé avec Adam & The Ants, mon premier disque. Puis j’ai enchaîné avec Clash et les Specials. Ça m’a ouvert au reggae, à plein de choses qui me seraient restées étrangères. Quand je suis devenu copain à 13 ans avec notre guitariste, Graham Coxon, il m’a présenté la pop-music, des Beatles à Jam. On regardait sans arrêt des vidéos, Graham était même convaincu que le fantôme de Keith Moon, le batteur des Who, vivait sous son lit (rires)…
Avais-tu le temps de lire ?
Le livre de Karl Marx, je le trimbalais avec moi, mais je ne le lisais pas, c’était surtout pour impressionner une fille très belle, les élèves des grandes classes (rires)… Et ça marchait : elles me prenaient pour un excentrique, un garçon sensible en colère. J’étais assez beau, adolescent, délicat… Je ne sais pas ce qui a bien pu m’arriver ensuite (rires)… Ma première passion littéraire, ça a été Hermann Hesse, puis Bertolt Brecht. C’est à cause d’eux que j’ai choisi allemand première langue. Moi qui préférais les brunes, j’ai été gâté ! Au lieu de faire des échanges scolaires à Marseille ou Séville, je me suis retrouvé dans la Ruhr (rires)… Cela dit, ça m’a permis de comprendre Brecht et Weill, ce qui m’a énormément aidé en tant que songwriter. Mes parents avaient des tonnes de livres, il suffisait de se servir : D. H. Lawrence, Flaubert Madame Bovary m’a bouleversé , Saul Bellow, Günter Grass, García Márquez… Je cherchais des compagnons dans ces livres, ceux d’Hermann Hesse me rassuraient beaucoup sur qui j’étais, ce que je désirais… Mes parents possédaient aussi beaucoup de livres d’art, notamment un qui m’a marqué à jamais : un recueil de photos très dures signées Diane Arbus, où l’on voyait des ivrognes danser.
Le cinéma a-t-il autant compté dans ta vie ?
Quand nous étions gosses, avec Graham, nous passions des après-midi à regarder religieusement des vidéos comme Quadrophenia ou les films de Mike Leigh. Comme nous vivions à la campagne, nous ne pouvions pas aller au cinéma et, à la maison, mes parents n’aimaient pas que la télé soit allumée. Je vivais dans un monde tellement visuel avec toutes ces peintures et ces sculptures que je n’avais pas vraiment besoin de films. Si bien que mon premier film « sérieux », je l’ai vu assez tard, c’était Kramer contre Kramer… Avant ça, mon film culte, c’était Le Livre de la jungle. J’en adorais les chansons. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être réclamé par l’industrie du film pour composer des bandes-son, c’est un rêve de gosse.
La cuisine fait-elle partie de ta culture ?
Ma copine ne cuisinant pas, je me débrouille seul aux fourneaux. Je m’en sors bien avec les pâtes, avec la cuisine africaine, avec les recettes créoles ou jamaïcaines, comme le ackee & saltfish. Là, je viens juste de ramener de Jamaïque un superbe faitout en aluminium, ça va donner.
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