Amateur de formes théâtrales tombées en désuétude, Michel Fau redonne du peps, au Théâtre de l’Œuvre à Paris, à la comédie “Un amour qui ne finit pas” d’André Roussin qui trouve en lui le plus talentueux des exégètes.
L’ennui est le premier ennemi du couple. Mais quand tromper l’autre fait figure de normalité, l’expérience de l’adultère s’avère très vite dénuée d’attrait et la situation devient inextricable. Dans ce théâtre où la bourgeoisie des années 60 fait des efforts pour paraître moderne, on se lasse de tout, même du prétendu bonheur de pouvoir confier les secrets de sa vie sexuelle à celui ou celle avec qui on partage son existence.
Cinq ans avant le tsunami de la révolution sexuelle à venir avec les événements de Mai 68, André Roussin tente, avec Un amour qui ne finit pas, de sauver les meubles d’une comédie bourgeoise qui s’épuise à faire du cocuage son fonds de commerce en imaginant la très chaste hypothèse d’un rapport amoureux ne carburant qu’à la seule énergie du fantasme.
Site de rencontres propice aux expériences extraconjugales, une station thermale est le lieu d’un prologue, où deux inconnus libérés de la pression d’avoir laissé leur moitié à Paris concluent un pacte aussi étrange que dévastateur. Jean (Michel Fau) propose à Juliette (Pascale Arbillot) de devenir sa muse, l’objet d’un amour à sens unique qui n’aura jamais de fin puisqu’il se contente de faire d’elle un objet de désir sans rien lui demander en retour.
Un huis clos de fiction
Dans un décor halluciné, reprenant en trois dimensions le dessin en noir et blanc de la fameuse mire de l’unique chaîne disponible à cette époque à la télé, Michel Fau s’amuse d’un damier déformé pour réunir en un seul espace les appartements des deux couples concernés. D’un côté, l’intérieur rétro où Jean et sa femme (Léa Drucker) évoluent en flanelle grise et tailleur Chanel, de l’autre le versant design où Juliette et son mari (Pierre Cassignard) portent robe Courrèges et costume blanc. Un huis clos de fiction où la belle idée poétique du contrat amoureux cher à Roussin va provoquer sa petite révolution comme un ver se nourrissant inexorablement du fruit où il grandit, pour lui fournir l’occasion de mille et un rebondissements.
En aspirant ici à une forme de pureté pour le théâtre de boulevard, l’auteur ne fait pourtant rien d’autre que se tirer une balle dans le pied, et l’élégance de son écriture ciselée témoigne d’abord du chant du cygne d’un genre. Michel Fau et sa troupe impeccable font leur miel de cette pièce aux allures de chaînon manquant. L’exercice de style s’avère passionnant surtout quand Roussin ose chuter avec son épilogue sur un retour à la case station thermale pour placer Jean dans la situation de l’arroseur arrosé en faisant de lui le sujet de la proposition d’un nouveau pacte, dont nous nous garderons bien de dévoiler les enjeux.
Un amour qui ne finit pas d’André Roussin, mise en scène Michel Fau, avec Pascale Arbillot, Léa Drucker, Pierre Cassignard, Michel Fau, Audrey Langle, Philippe Etesse, jusqu’au 12 juillet au Théâtre de l’Œuvre, Paris IXe, theatredeloeuvre.fr