La musique de film, très longtemps mésestimée, est devenue en quelques années un genre à part entière avec ses codes et tics esthétiques, ses érudits encyclopédiques et surtout son marché florissant — connaissant ainsi sa plus haute consécration au moment où, à de très rares exceptions (Howard Shore et son Esther Kahn, Michaël Galasso et […]
La musique de film, très longtemps mésestimée, est devenue en quelques années un genre à part entière avec ses codes et tics esthétiques, ses érudits encyclopédiques et surtout son marché florissant — connaissant ainsi sa plus haute consécration au moment où, à de très rares exceptions (Howard Shore et son Esther Kahn, Michaël Galasso et sa BO inspirée d’In the mood for love de Wong Kar-wai), son niveau ne cesse de baisser… C’est pourquoi il n’est pas inutile de profiter de cet engouement et de son lot de rééditions pour jeter une oreille neuve sur quelques valeurs sûres. On commencera par ANTOINE DUHAMEL, icône de la Nouvelle Vague, qui pour la première fois voit une compilation astucieuse tenter de cerner son uvre pléthorique et protéiforme. Aux côtés des chefs-d’ uvre historiques (Pierrot le Fou, Méditerranée, Domicile conjugal…), le disque fait la part belle à des pièces plus ludiques ou secrètes, révélant finalement un compositeur aussi savant que populaire, d’une modernité joyeuse jamais compassée. Autre belle surprise : la réédition des deux BO écrites par JOHN LURIE à la fin des années 80 pour illustrer le cinéma décalé, onirique et contemplatif de Jim Jarmusch. Deux partitions résolument postmodernes et ironiques, empruntant tour à tour à l’austérité d’un Webern et à l’exubérance de Mingus, pour rendre compte avec une fraîcheur d’inspiration constante de la poésie désabusée du cinéaste. Enfin, dans une toute autre logique, impossible de clôturer ce rapide panorama sans évoquer la réédition très attendue (agrémentée pour l’occasion de six inédits) du disque d’ores et déjà historique que JOHN ZORN consacra à la musique d’ENNIO MORRICONE au tournant des années 90. Après avoir exposé son esthétique inimitable du montage/collage dans une pièce manifeste dédiée au cinéma de Godard au milieu des années 80, composé ensuite directement pour le cinéma d’extraordinaires petites partitions speedées pour des mangas japonais et autres films underground SM, John Zorn aura finalement trouvé dans le génie mélodique et orchestral de Morricone la matière première de son chef-d’ uvre définitif, amoureusement iconoclaste envers son modèle.
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Le Cinéma d’Antoine Duhamel (Emarcy/Universal).
John Lurie/Jim Jarmusch, Stranger than paradise, Down by law (Strange & Beautiful Music/Orkhestra).
John Zorn/Ennio Morricone, The Big Gundown (Tzadik/Orkhestra).
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