Hier, on vous faisait le compte-rendu de This Is Not A Love Song 2015, festival situé à Nîmes et qui se pose déjà, avec sa 3e édition, comme un incontournable français. Après avoir vu Thee Oh Sees, Swans ou encore Sleaford Mods, on en a aussi profité pour discuter avec Christian Allex, co-directeur artistique du festival.
Pendant les trois jours qu’aura duré le festival, on se sera laissé aller à un état de douce langueur, personnifié par l’ambiance champêtre et revigorante du cadre offert par les organisateurs. Certes, entre un parking et un Macdo, on aura vu plus bucolique comme dispositif, mais le temps superbe, la bonne humeur ambiante et la verdure auront achevé de placer ce week-end sous d’heureuses dispositions. Un esprit de vacances, de nonchalance et de relâchement aura régné sur le festival, aidé en cela par les nombreuses activités proposées, loin de l’ambiance à usine de trop nombreux festivals aujourd’hui.
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Evidemment, la programmation de haut vol y aura aussi joué pour beaucoup, faisant déjà de This Is Not A Love Song un incontournable en France. Voir Michael Gira fumer le cigare devant le concert de Thurston Moore, les mecs de Ought se le coller devant le set de Shamir, discuter avec le chanteur de Allah-Las de l’époque où Ariel Pink faisait des concerts de 10 minutes en se roulant par terre à Los Angeles, ou la plupart des artistes se baladant sur le site tout au long du festival, tout cela aura donné un caractère convivial au festival. Après les festivités, et dans un état d’ébriété avancée, on aura discuté un peu avec Christian Allex, co-directeur artistique du festival, et de Paloma.
C’était quoi ton concert préféré ?
Christian Allex- Sleaford Mods, j’aime bien leur truc.
Au début, ils devaient jouer au club, non ?
Au début ils étaient en club, mais le truc est monté sur internet, on a vu qu’il y avait beaucoup de demande, on s’est dit qu’on allait les mettre en grande salle, plein de gens n’allaient pas les voir, comme pour Swans.
Comment pour la 3e édition, vous arrivez à programmer Thee Oh Sees et Swans, qui sont parmi les meilleurs groupes live au monde ?
Christian Allex- Déjà le fait que le festival soit en même temps que Primavera, ça aide beaucoup à avoir les groupes. Et puis Swans et Thee Oh Sees, tu peux quand même les avoir ! J’ai vu que ces groupes-là passaient par Primavera, et c’est quand même pratique d’avoir apporté ça, qui est à 3h de route, et ça les intéresse. On est dans un exercice de style bien délimité, qui est grosso modo la scène américaine et anglaise, du coup les groupes qui viennent se connaissent, c’est donc aussi ce côté tribu qui nous intéresse. Là, Swans connaissait Thee Oh Sees, Thurston Moore connaissait Swans, etc…Thurston Moore en a profité pour découvrir Shamir, aussi, qu’il connaissait un peu avant, mais qu’il a vraiment pu apprécier ici.
Si tu devais définir une ligne artistique pour le festival, ça serait quoi ? Tout le monde dit « indie », mais ça veut tout et rien dire…
Oui, c’est un terme marketing à la con. L’indé, c’est l’artisanal, le rock alternatif, etc… Nous, ce qui nous intéresse c’est le côté simple des musiques que l’on programme. C’est pour ça que j’aime beaucoup Sleaford Mods : il n’y a pas de fioritures. Avec Caribou ou Interpol, on est dans un truc un peu plus léché, mais c’est la limite. On n’a pas envie qu’il y ait des débarquements de tour bus, on sera morts quand on arrivera à ça. Et déjà cette année avec les têtes d’affiche on est un peu arrivé à ça, il va falloir être prudent pour les prochaines éditions.
Vous voulez mettre l’accent sur cet aspect de proximité avec les artistes.
Oui, c’est toujours plus sympa quand les artistes prennent le pouls du festival, qu’ils ne restent pas cloîtrés dans leur loge à faire la fête entre eux. Je ne pense pas que Thurston Moore se balade sur les sites d’autres festivals plus gros. Et puis je n’aime pas trop le mot « festival » pour Tinals, parce que ça me fait tout de suite penser à des grosses scènes, etc…Moi je vois vraiment ça comme une petite parenthèse, où tu viens te poser avec des amis, des gamins, et écouter de la bonne musique.
Tout en gardant une programmation relevée.
Oui, bien sûr, avec une ligne de conduite. Mais artistiquement, j’ai un peu du mal à la définir précisément, car elle résulte avant tout d’envies. Par exemple Teenanger, qui a joué cet après-midi, je les ai juste contactés sur internet parce que j’aimais leur musique, il n’y avait rien de forcément planifié. Twerps, je ne connaissais pas plus que ça il y a un an, puis quand je les ai écoutés, je me suis dit que c’était obligé qu’on les programme. Dan Deacon, avec sa manière de bidouiller sur scène et de faire participer le public, c’est pareil : ces artistes ont vraiment un esprit Tinals, dans le partage.
Le festival est-il un pur produit de la salle Paloma ?
Oui, en fait la salle Paloma a été montée avec l’agglomération de la ville de Nimes, et le festival Tinals découle directement de la salle qui fonctionne à l’année. J’y assure la co-directon artistique et la programmation, et j’investis un gros pourcentage de mon budget artistique de l’année de Paloma dans Tinals, parce que si on voulait uniquement s’appuyer sur les pouvoirs publics, on ferait jouer Izia, The Avener, etc…On pourrait se faire plein de pognon, certes, mais ce n’est pas vraiment notre but.
Mais il y a tout de même une part de subvention publique, non? Qu’est-ce qui convainc les pouvoirs publics de s’engager sur une affiche, disons peu affriolante, en termes de retombées économiques ?
C’est très simple, c’est parce que ça marche. En trois ans on a fait de Tinals un évènement qui a replacé Nimes sur la cartographie, et en trois ans de Paloma on a replacé une ville qui était dans l’ombre de Montpellier. Des groupes locaux comme Joris Delacroix ou Set&Match ont très bien marché, et beaucoup d’artistes viennent faire leur résidence à Paloma. Stromae est venu, Breakbot va venir à la rentrée, Christophe en 2016…C’est un peu une équipe de foot du coup Paloma, les habitants s’accaparent ça comme leur équipe de foot locale.
Le festival commence d’ailleurs un peu à grossir, est-ce que ta volonté c’est de s’épandre ?
L’année dernière on mettait 1800 personnes sur l’ensemble du site, et là on est passés à 3000 par jour, on avait envie de grossir un peu parce que ça donne toujours plus de densité, quand t’as plus de monde t’as plus d’ambiance, mais il faut qu’on reste à taille humaine. On voudrait peut-être faire un camping l’année prochaine, avec tous les inconvénients que ça peut avoir, ça peut aussi t’amener un public de festival, qui peut débarquer l’après midi quand tu fais les ateliers de 14h à 19h et être un peu échauffé. Il faut que ça reste à la limite de ce qu’on est.
ambiance familiale avant les concerts du soir © Marie Meletopoulos
Pour toi c’est ce qui donne son identité au festival, les activités, les fleurs, le cadre, etc… ?
Oui, complètement. Ça donne plus l’impression d’être dans un espace VIP d’un gros festival que dans un festival en soit. Les poufs qui sont partout que les gens prennent, les mettent où ils veulent, s’allongent dessus, dans un certain respect du public : tout ça reste bon enfant.