Pour accéder aux merveilles de ce disque habillé pour sortir en radio, il faut passer des barrages de graillon. Gratifiant.Pour ce genre de donzelle, on parlera (en douloureux souvenir d’une monstruosité des seventies progressives) de rock ELP ELP pour Emphase, Lyrisme et Préciosité. Déroutant dédale, où cohabitent des princesses célestes (la mystérieuse Hannah Marcus), […]
Pour accéder aux merveilles de ce disque habillé pour sortir en radio, il faut passer des barrages de graillon. Gratifiant.Pour ce genre de donzelle, on parlera (en douloureux souvenir d’une monstruosité des seventies progressives) de rock ELP ELP pour Emphase, Lyrisme et Préciosité. Déroutant dédale, où cohabitent des princesses célestes (la mystérieuse Hannah Marcus), des souillons gâte-sauce (la caquetante Katell Keineg) et des soubrettes schizophrènes comme Heather Nova. Dans Siren, troisième album d’Heather, l’office jouxte l’alcôve, les grosses guitares de soudards louchent sur les draps de percale, les remugles de graillon percent sous les fragrances suaves. Blood of me assaisonne le Hey Gyp de Donovan à la sauce Led Zep, What a feeling kidnappe le Jealous guy de Lennon et l’attife d’un costard doré pour flambeur en goguette au Caesar’s Palace. Sur I’m the girl et Make you mine, la voix bien balancée d’Heather lance des oeillades assassines à Robert Plant, enfile bas résilles, micro-jupe et bustier remonte-loches pour aller marauder sur le trottoir aux cuissardes de vinyle d’Anouk ou Shirley Manson.
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Les textes, rédigés au rouge baiser brillant, aguichent le micheton à grand renfort de promesses réitérées (« Je serai ta reine des désaxées » Widescreen ; « Je serai ton doux miel » Make you mine). Sur ces chansons surchargées, la fille des Bermudes s’empêtre dans les algues d’une mer des Sargasses aux cordes étouffantes ; Widescreen illustre lourdement son titre « écran large » en déchaînant une meute de guitares panoramiques chargées, comme dans un vulgaire complexe multisalles pour centre commercial, de s’assurer que « le public écoute ». Quand la sirène du titre annonce ainsi un camion rouge, une grande échelle et des bonshommes casqués d’argent, on peine à reconnaître la naïade révélée en 1993 par Glow stars, bijou ophélien d’une envoûtante sobriété. Pourtant, dès que le pin-pon des pompiers regagne sa caserne, l’auditeur persévérant trouve encore son (grand) bonheur dans Siren. L’immaculé Avalanche fait planer sur les combes de poudreuse scintillante le chant ensorcelant qui, chez Homère, blanchissait d’ossements et de désirs humains le rivage d’Amalfi ; I’m alive fleurit de mousseline légère des fosses marines hantées de passions dévorantes. Surtout, Paper cup, rempli à ras bord d’hydromel mélancolique, part en villégiature chez notre Circé préférée, Hannah Marcus, s’arrime à une guitare sèche flottant dans l’éther d’un chant inouï, d’où toute pesanteur est bannie. Grosse surprise pour ELP, qui n’en revient pas de soudain signifier Emotion, Légèreté et Pureté.
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