A contre-courant des modes, Jon Hassell plonge la trompette dans un bain de jouvence : le son acoustique. Musique nouvelle Musicien hors norme, Jon Hassell l’est à plus d’un titre : natif de Memphis comme Elvis, il joue en culottes courtes dans un groupe de rockabilly, il devient en Allemagne l’élève du très sérieux et […]
A contre-courant des modes, Jon Hassell plonge la trompette dans un bain de jouvence : le son acoustique.
Musique nouvelle Musicien hors norme, Jon Hassell l’est à plus d’un titre : natif de Memphis comme Elvis, il joue en culottes courtes dans un groupe de rockabilly, il devient en Allemagne l’élève du très sérieux et hautement sériel Karlheinz Stockhausen, à la même époque que Holger Czukay et Irmin Schmidt, qui fondent quelques années plus tard Can. Après un détour par l’Italie, il revient aux Etats-Unis et participe aux premières expérimentations minimalistes de LaMonte Young (Dream house) et Terry Riley. L’époque est à la performance tous azimuts et Jon Hassell présente ses premières sculptures sonores dans des galeries new-yorkaises et chez des particuliers. Après deux excellents premiers albums à la frontière du jazz-rock, Vernal equinox (Lovely) et Earthquake island (Tomato), il attire véritablement l’attention en 1980, lorsqu’il pénètre dans la nébuleuse de Brian Eno, cosignant avec lui le mémorable Possible musics. A partir de là, les concerts, les disques et collaborations s’enchaînent à un rythme soutenu, notamment avec Talking Heads, Kronos Quartet, David Sylvian, Lloyd Cole, Peter Gabriel, k.d. lang, Peter Sellars, Wim Wenders, Howie B, Ry Cooder… Ce dernier est d’ailleurs le producteur inspiré et l’un des interprètes de ce onzième album solo de Jon Hassell, le bien nommé et fascinant Fascinoma. Etrange disque en vérité, à rebours de toutes les modes où Hassell se plaît à supprimer le tapage intempestif de la percussion à la manière de Carlos Jobim, afin d’entrer dans un monde sonore irréel et quasi silencieux, repoussant les frontières de l’audible. C’est seulement dans cette trame vaporeuse, délicate et à l’harmonie ondoyante, que peut s’élever le chant d’un pianissimo infini de son instrument, la trompette : ici l’électronique est au service du son acoustique. Jamais, depuis Miles Davis, un trompettiste n’était allé aussi loin dans cette manière de contrôler le souffle. Certes, il y a trente ans, Jon Hassell avait déjà beaucoup appris auprès d’un maître du chant indien, Pandit Pran Nath, mais cette fois sa technique s’est encore affinée au point de surprendre à nouveau… Enlacé dans la flûte indienne de Ronu Majudar, le son de son instrument déroule avec une douceur inimaginable la mélodie du classique d’Eden Ahbez, Nature boy. C’est avec Caravanesque, libre adaptation du Caravan d’Ellington, que l’art de Jon Hassell prend toute sa dimension : le rythme, retenu à l’extrême, est ralenti jusqu’à sa propre désintégration. Les balais du percussionniste tombent avec une mollesse sidérante, au point que l’on se demande s’il va parvenir à terminer… Imperturbable, tel un point lumineux dans ce désert aux contours estompés, Jon Hassell maintient le cap : « Cette musique, dit-il, crée en moi une oasis permanente en Technicolor. »
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