Longtemps considéré comme malfamé pour cause de fumeurs de crack à Stalingrad, affrontements communautaires à Crimée et un taux de pauvreté encore proche des 26% en 2014 (source la Gazette des Communes), le 19e arrondissement est en plein renouveau. D’un point de vue économique et architectural mais surtout gastronomique. Bistrots d’auteurs, bistrots dans leur jus, oubliés, cantines de quartier et cafés bobo font de plus en plus parler d’eux. Passage en revue de 7 spots où bien manger dans le 19e arrondissement. Qui mettent l’accent sur les produits, le service détendu et les budgets lights.
Du côté du Bassin de la villette, vers le métro Riquet, le Bellerive est une institution dans le quartier. Au bord de l’eau, comme son nom l’indique, ce bistrot style années 1950 made in les frères Moussié (Chez Jeannette, Le Mansart, Le Sans Soucis) est connu avant tout pour ses tournois de pétanque sur le Quai de la Seine. Et sa devanture jaune et bleue, emblématique de l’univers Ricard. L’été en terrasse ou l’hiver assis sur une banquette en skaï devant une table en formica tout ce qu’il y a de plus rétro, les gens du quartier et les habitués viennent manger des plats du jour bien français : filet mignon rôti au romarin, grenadin de veau sauce cognac ou encore filet de bar sauce vierge, purée de patates douces. Toujours simples et bons. Et surtout bon marché car la formule du midi est à 12, 50€ entrée + plat. Le week-end, même combat, le brunch est à 12€. La version sucrée, gros clin d’œil à nos amis brittons avec porridge maison aux céréales, pudding et salade de fruits de saison est bien ficelée.
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Autre incontournable du 19e, à deux pas du métro Laumière, Les Chics Types. Murs en briques, tables et lampes chinées, cette cantine de quartier ouverte en mars 2013 par Stéphane et Grégory, deux reconvertis, bat des records qualité-prix avec sa formule à 11, 50€ plat + café. A la carte, des assiettes sans chichi et un dressage soigné : filet de lieu noir, crème d’aneth, écrasée de pommes de terre aux câpres, ribs caramélisés avec légumes snackés. Le chef met un point d’honneur à travailler non seulement les légumes de saison mais aussi des plats veggie chaque semaine. Exemple, le risotto aux champignons, carottes marinées et poêlée de poivrons. Plat du jour + café 11,50€.
« Le 19e et le 20e arrondissements seront bientôt les nouveaux points de fixation de la restauration, ils vont exploser prochainement côté food. Pourquoi ? Parce que le centre de Paris est de plus en plus cher donc les gens s’excentrent, parce qu’il y a beaucoup d’espaces et de fonds de commerce disponibles et surtout parce qu’il y a peu de concurrence pour l’instant » explique Aïtor Alfonso, critique gastronomique pour LE FOODING. Il ajoute : « D’autant que si le projet du Grand Paris voit le jour, alors nous allons assister encore plus à un phénomène de déplacement des centres culturels vers les marges ».
Où rouler des Pantins ?
Le Centre National de la Danse ouvert en 1998 a donné le LA à ces migrations des lieux culturels en périphérie en s’installant à Pantin, aux frontières du 19e . Au profit des restaurateurs et notamment de la bande des Pantins, à Pantin donc. « Les gens qui bossent au CND ou qui ont des rendez-vous là bas souvent viennent manger chez nous » raconte Walid, le chef. Pour la petite histoire, en juin dernier, c’était Jeff Mills qui déjeunait en paix. « Mais la clientèle dont on bénéficie le plus c’est celle de la Philharmonie qui est à 400 m à vol d’oiseau. Il suffit juste d’aller tout droit et de passer sous le périph’ » assure Walid Sahed, chef des Pantins, avant de conclure « on est collés au 19e, c’est presque comme si l’on était dans l’arrondissement ».
Pareil pour le Zénith. Les gens viennent souvent se faire un petit gueuleton post concert dans ce bistrot-cave tenu par une équipe de copains amoureux du bon manger. Ici on commence par un œuf dur mayo pimpé avec des œufs de hareng fumé en entrée et on enchaîne avec un merlan en colère (merlan entier frit qui se mord la queue) servi avec une sauce tartare détonante. 90% des bouteilles en vente dans le restaurant sont sans produits chimiques, sans souffre, pour ne pas dire qu’ils sont « nature ». « L’appellation effraye les néophytes » d’après Walid.
COFFEE SHOP
Bien sur, le 19e n’échappe pas à la gentrification et aux cafés et salons de thé à hipsters qui l’accompagnent. A commencer par le TopKnot, tenu par Jennifer et Orianne, deux filles branchées brioche et qui ont décidé d’ouvrir un shop dédié en grande partie à cette viennoiserie d’enfance. Ici on trouve des brioches classiques sucrées mais aussi salées, au poulet, au bacon, au tofu ou bien des brioches fourrées, à la cannelle, à la vanille, à la praline. Le mieux : en version chinoise que l’on appelle bao, fourrée au poulet et accompagnée d’une sauce terryaki et d’une petite salade graines de courge/aubergines marinées/œufs brouillés. Boboïsme aigu oblige, la déco d’inspiration nordique est épurée et graphique, avec des petits canaps girly.
Dans un décor relaxant aux accent brooklyno-berlinois, le Kaffee bar, à deux pas du Canal de l’Ourcq est tenu par Aaron, un jeune allemand. Assisté par une sympathique et chaleureuse équipe (son cousin Julius mais aussi Céline et Bertrand à l’accent québécois…). Ici tout est maison, depuis les jus verts, pomme granny smith-concombre, les smoothies mangue-banane-orange jusqu’aux soupes healthy et au tartes sucrées. Dans cet excellent coffee shop, le café est forcément fraîchement moulu et vient de chez Coutume Café, l’un des meilleurs torréfacteurs parisiens. Parlant de coutume, ici, presque tout le monde boit son café avec un cookie homemade et pauvre en gluten au chocolat noir et noix de cajou ou aux flocons d’avoine et sésame grillé.
UNITED COLOURS OF 19E
« La boboïsation en marche va faciliter l’implantation de plus en plus de café de ce genre et de shops veggie/vegan, c’est certain. Néanmoins, on sent quand même qu’à l’inverse du 11e arrondissement complètement gentrifié, il y a une vraie volonté de conserver un côté populaire, authentique dans le 19e. Dans cette partie de la capitale, il y a presque un rapport « communard » à la restauration. Et c’est cette ambivalence entre plusieurs mentalités et univers sociaux qui fait la richesse du 19e » poursuit Aïtor Alfonso.
C’est justement, le discours tenu par le couple, Monia Kashmire, journaliste lifestyle en télé et Nicolas Derstroff, ancien journaliste reconverti en maître kébabier à la tête du Zarma 2 (Zarma first of the name au 65 rue Pigalle) après un long périple en Allemagne et en Turquie. Dans le Grand Marché Stalingrad récemment ouvert. Leur mantra : le kebap, qui signifie littéralement viande grillée en turque, n’est pas nécessairement synonyme de viande de bœuf à la broche posée sur un triptyque à l’ancienne, salade tomate oignon. Sur une terrasse de 250m dans l’ex Rotonde, avec une Peugeot 204 surchargée de valises en guise de déco « comme au bled », ils servent des sandwichs chaud dans un pain maison. Au choix : kebap au poulet et zaatar (thym, origan, sésame), au bœuf au piment doux ou veggie au halloumi grillé. Les frites sont au ras el hanout et leur poutine maison (frites, crème de cheddar poudre de chorizo grillé) tabasse sec. Le ticket moyen ne dépasse pas les 12€.
Le bouillonnement food du 19e s’explique aussi par l’immigration, tâche de naissance de cet arrondissement très multiculturel. Pour Axelle Carlier, guide de Paris, « Multiculturel mais pas communautariste. Il n’y a pas de communautés bien définies comme dans d’autres arrondissements par exemple. C’est plutôt un meltin pot de nationalités et classes sociales qui cohabitent. C’est pour cette raison que l’on dit qu’il n’y a pas UN mais DES 19e ». Et à chacun sa tambouille. Avenue de Flandre, l’une des artères principales de l’arrondissement, des cantines africaines jouxtent des restaurants Orientaux qui jouxtent des restaurants indiens et des traiteurs chinois. Au bord du Bassin de la Villette, des restaurants japonais coexistent avec des gargotes bien françaises et parfois ils ne font qu’on. C’est le cas de Koko, fondé par Nathalie et Yin, derrière le MK2. Dans un décor de bistrot mais avec poissons volants accrochés partout quand même, le chef jongle entre des tapas chauds/froids japonais : edamame, tofu frais au soja, gyozas, tempuras de crevettes et des plat français revisités : tartare de bœuf au gingembre, pavé de saumon mariné au chiso.
Le 19e regorge de bistroquets, cantines et cafés qui valent le détour et qui épousent l’esprit de l’arrondissement, convivial et abordable. On aurait pu citer aussi le Paname Brewing Company, Les Bancs Pulics ou encore le camion à pizzas du 104.
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