De retour sept ans après le chef-d’œuvre Jordan, le légendaire Paddy McAloon reste un songwriter aux excentricités pernicieuses. Sept ans d’absence, sept ans de constance. Paddy McAloon vient de vivre sept années de fin de siècle changement de millénaire régulièrement synonyme de pétage de plombs, crise de personnalité, pouvoir vicieux et maléfique des astres, […]
De retour sept ans après le chef-d’œuvre Jordan, le légendaire Paddy McAloon reste un songwriter aux excentricités pernicieuses.
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Sept ans d’absence, sept ans de constance. Paddy McAloon vient de vivre sept années de fin de siècle changement de millénaire régulièrement synonyme de pétage de plombs, crise de personnalité, pouvoir vicieux et maléfique des astres, emprises surnaturelles diverses imperméable à toute mode, à toute frivole tentation musicale, à toute influence matérielle ou immatérielle. Seul et bien à l’abri dans son monde, Paddy MacAloon a même fini par inventer sa propre mesure de temps l’heure de sieste mcaloonienne dure sept années terrestres. Andromeda heights est imprégné de cette torpeur temporelle : aucun courant radical ne vient entraîner cette immuabilité musicale loin des rives merveilleuses de Jordan: the comeback ou de Steve McQueen. Andromeda heights est de la matière première à rêverie hermétique pour qui se refuse la douceur d’un songe éveillé , flirtant violemment avec le facile-à-écouter, mais en remplissant toujours une fonction onirique. Andromeda heights est ainsi la bande-son parfaite d’un film de Capra, toujours prêt à tomber dans l’eau de rose violons et trompettes (sur le sublime A Prisoner of the past) s’en donnent à cœur joie mais subissant suffisamment de coups de théâtre un harmonica insolite illumine The Fifth horseman, un méchant saxophone de salon de Novotel nous remet les pieds sur terre alors qu’on n’avait rien demandé pour tenir bizarrement droit, digne. Ces chansons ont des airs d’édredon : le choc est amorti, mais on s’y repropulse avec joie douze fois d’affilée. Embrumant les cerveaux et envahissant tous les recoins de l’espace vital, Andromeda heights évoque des tourbillons de taffetas, de soie pas de dentelle, trop vulgaire. Les arrangements barbe-à-papa, collants et aériens, enchevêtrent de fils de sucre des paroles ayant déchiffré les codes d’entrée de la béatitude. Emus, on s’imagine Paddy émerveillé de tout seule une personne heureuse peut faire une musique si détachée. Des paillettes plein les yeux et avec un lexique tournoyant autour des mots clés « life », « miracle », « star », « love », il voudrait faire croire à son monde merveilleux, nous entraîner avec ses mélodies de sirènes dans une illusion de beau et de quiétude, dans son refuge un havre « d’amour et de respect » (Andromeda heights), où « la vie est un miracle ». Seulement, même les meilleurs amis peuvent se révéler menés gentiment en bateau, et chez Paddy McAloon, la frontière n’est jamais claire entre le premier et le deuxième degré. On soupçonne des idées pernicieuses et un sourire en coin derrière la félicité de The Mystery of love et Whoever you are. Car l’homme qui tient cette plume (de paon) n’est pas un imbécile heureux, perdu dans une tour d’ivoire : sous les titres féeriques de ses chansons se cachent des histoires tordues de cygne et de renard, de cavaliers de l’Apocalypse. Les têtes dans les étoiles réalisent qu’elles se perdent parmi les satellites de la Nasa et voient la Terre comme une boule à facettes de discothèque. La légèreté du sentiment amoureux est comparée à Iouri Gagarine, on nous conseille d’apprécier le ciel, d’être un superbe papillon. Sur Electric guitars, Paddy McAloon en fidèle documentaliste excentrique de l’histoire du rock se place dans la peau des Beatles et se voit « cité hors contexte, le mascara dégoulinant, accueilli par des bagarres dans les aéroports »… Sur Jordan, Paddy McAloon s’attaquait à une autre relecture d’évangile : les textes sacrés de saint Elvis, mort de faim. La luxuriance, la démesure du propos avaient alors trouvé une bande-son à la hauteur des extravagances. Ici, c’est malheureusement parfois comme si la haute cuisine d’hier était devenue livre de recettes : on y entend, pour la première fois, Paddy McAloon revenir sur ses pas, lui qui avait toujours brûlé les ponts derrière ses albums. Tout, ici, a l’apparence rassurante de Prefab Sprout, et c’est bien là le drame de cet Andromeda heights, premier album raisonnable d’un groupe qui savait, à chaque fois, déconcerter, sagouiner les cartes, s’inventer un nouveau visage, une nouvelle voix, se mettre en réel danger de ridicule. Un peu comme si Prefab Sprout, palais autrefois sur mesure, ciselé à la main, dans les matériaux les plus saugrenus, s’était rabattu, faute d’architecture assez imaginative, sur le préfabriqué Sprout.
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