Après avoir Surpris ses frères (1995), développé Le Fond et la forme (1997), Fabe opère un Détournement de son, son album le plus abouti. On avait déjà insisté sur les qualités d’écriture d’une des plus belles plumes de la scène rap parisienne. Pour autant, une ombre planait sur le tableau : une forme moins élaborée […]
Après avoir Surpris ses frères (1995), développé Le Fond et la forme (1997), Fabe opère un Détournement de son, son album le plus abouti. On avait déjà insisté sur les qualités d’écriture d’une des plus belles plumes de la scène rap parisienne. Pour autant, une ombre planait sur le tableau : une forme moins élaborée que le fond, une uniformité de son qui finissait par peser sur le contenu. Mais cette fois, Fabe a développé de nouvelles intonations dans son phrasé et s’est entouré de différents producteurs (Cut Killer, Cutee B, Stofkry, Ivan, Wood Willey, etc.). Plus engageants qu’auparavant, ses titres offrent des couleurs de tons variées, pour renforcer des textes toujours plus acérés et construits. Car Fabe ne se connaît aucun rival sérieux quand il s’agit de répertorier les démons intérieurs, « J’aimerais bien faire des confidences mais si j’me laisse aller, j’ai plus aucune chance d’être dans la danse » (Comme un rat dans le coin) ou pour traquer les agitateurs moribonds (Kassovitz et Richet en tête) : « Vous fantasmez sur Noirs, Arabes et jeunes de cité, incitez, excitez, mais existez-vous pour nous mettre la corde au cou ou pour résister ? » (Nuage sans fin). A lui seul appartient cette façon d’aligner les images qui parlent « La vie est une manif, la France une vitre et moi un pavé » (L’Impertinent) ou se souviennent « La cité c’est pas ta mère et si tu crèves, elle aura d’autres enfants » (Visionnaire).
Tout au long des dix-neuf titres, Fabe caresse les consciences et esquive les clichés en ne relâchant la pression que le temps d’un sourire en coin « Quand j’faisais 19 h-6 h du mat’ à Porte de la Chapelle, j’trouvais que les sacs de la Poste étaient tous plus lourds que la vie est belle (…) j’recevais pas de courrier mais ça m’a pas empêché de trier le tien » (Correspondance). Pour le soutenir dans son entreprise, une brochette d’invités vient donner de la voix sur un tiers des titres. Lauréat, une rappeuse originale (!) et Al, un MC dijonnais déjà repéré sur l’Opération freestyle de Cut Killer, sont les deux révélations qu’il faudra suivre de près, tandis que Koma, le compère de la Scred Connexion, confirme les bons résultats obtenus sur son premier maxi. Au final, un ensemble qui tient enfin sa route, « jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction ».
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