Il publie « Une simple lettre d’amour », sera chroniqueur chez Ruquier à la rentrée et se prépare à tourner « Podium 2 ». Yann Moix parle de l’amour, de l’islam, de « Charlie Hebdo » et de la Corée du Nord.
Pourquoi publier aujourd’hui cette Simple lettre d’amour adressée à une femme aimée il y a vingt ans ?
Yann Moix – La première partie du livre est en effet une lettre écrite il y a vingt ans. Je l’ai reprise et remaniée car je n’étais plus d’accord avec l’idée du romantisme qu’elle contenait. Les Lumières ayant tué Dieu, il a fallu trouver une divinité de substitution et la place libre que Dieu n’occupait plus, on l’a attribuée à la femme. La définition du romantisme c’est ça : la mort de Dieu et l’invention de la femme comme déesse. A 27 ans, j’y croyais encore. Aujourd’hui, cela me paraît une aberration totale. Le romantisme est quelque chose de consubstantiel à la jeunesse, un peu comme le terrorisme.
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Vingt ans plus tard, quelle est votre conception de l’amour ?
Mon livre est parti d’un constat : je n’ai jamais rencontré un être humain de sexe masculin qui soit fidèle. C’est terrifiant. On est coincés entre deux injonctions totalement divergentes. D’un côté, la nature a fait de nous un corps avec des pulsions et cette sexualité, il faut l’écouler, on ne peut pas ne rien en faire. De l’autre, la société a inventé le couple comme institution. Y a-t-il coïncidence entre le sexe et le couple ? J’essaie de montrer de manière totalement libre que la fidélité est une anomalie, une impossibilité.
Dans votre roman, les hommes sont infidèles et les femmes rêvent du prince charmant. Peut-on encore avoir une vision aussi genrée et essentialiste des relations amoureuses ?
Ce livre n’est pas un essai, c’est un point de vue, celui d’un homme. Le narrateur ne va pas s’amuser à se mettre dans la peau d’une femme. Moi qui déteste les explications biologiques, qui considère la notion de genre totalement dépassée et pense qu’il faut redéfinir la famille, je suis convaincu que tous les cas de figure sont possibles. Dans le modèle familial traditionnel, il y a quelque chose de daté, de médiéval. Le simple fait qu’il y ait le même ADN à une table, c’est déjà de l’inceste pour moi. Il y a autant de sexualités que d’individus. A la limite, la notion d’homme et de femme n’a presque plus de sens. Mais je n’ai pas écrit un essai sur ce sujet. Mon sujet, c’est un type fou amoureux dans un premier temps, humilié dans un deuxième temps et qui, dans un troisième, confond peut-être sa lucidité et sa méchanceté.
Vous allez remplacer Aymeric Caron dans l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché. C’est vraiment compatible avec votre statut d’écrivain ?
Je me considère d’abord comme écrivain. Régis Jauffret, immense romancier, est l’un de mes meilleurs amis. Dès que j’ai l’impression de faire quelque chose qui m’éloigne de ce qu’est un écrivain, je l’appelle pour qu’il me rassure. Il a une vision décomplexée des choses. Nous pensons tous les deux que l’écrivain du XXIe siècle peut faire absolument ce qu’il veut. Ce qu’il ne doit pas faire, c’est le malin. Si j’accepte de faire cette émission, ce n’est pas pour aller faire mon show comme le ferait très bien Nicolas Bedos. Malgré mes excès passés, j’ai toujours été un intellectuel.
Après les attentats de janvier, vous avez écrit une “Lettre un peu désagréable à l’attention de (vos) amis musulmans” pour leur demander de sortir de leur “mutisme relatif” face au terrorisme. Vous comprenez que vos propos aient pu être mal reçus ?
Les nuances n’ont pas été vues. Dans cette lettre, il y avait toutes les nuances du monde. On ne peut pas traiter de la même manière la religion catholique et l’islam. La religion catholique inclut dans son essence même la représentation, l’image. La présence du Christ est l’incarnation de la présence divine dans le monde. La première chose qu’ont faite les chrétiens, c’est de représenter le Christ en croix, dans des sculptures, des peintures. Au contraire, dans l’islam, comme dans le judaïsme, c’est la parole qui donne à voir. Or on est dans une société qui entend faire d’une religion de la parole l’équivalent d’une religion du dessin. Si on ne pense pas ça, on blesse des gens qui ne sont ni des terroristes, ni des islamistes, mais qui ont été élevés dans la parole et non dans la représentation. Les caricatures sont une représentation au carré, donc une provocation au carré. Est-ce que, parce qu’on est libre d’écrire ce qu’on veut, il est intelligent de le faire dans une période donnée ? J’ai rencontré Charb. Un type pour lequel j’ai un infini respect parce qu’il me faisait mourir de rire avec Maurice et Patapon, mais il était comme dans une descente aux enfers, dans un concours de bites que je n’ai pas trouvé très intelligent.
Qu’avez-vous pensé des écrivains américains qui ont boycotté le gala du Pen Club parce qu’il récompensait Charlie Hebdo ?
Ces écrivains s’opposent à Charlie Hebdo et aux caricatures au nom des minorités. Ils considèrent que les minorités ne doivent jamais être traitées comme les majorités. Aberrant. Ce qu’ils ont fait est gravissime. In fine, je pourrais presque être dans la même case qu’eux, mais à partir d’un postulat complètement différent. Moi, c’est parce que j’ai réfléchi à la différence entre les religions.
Côté cinéma, on parle de Podium 2…
J’ai juste écrit le synopsis. Ce film sera plus centré sur Michel Polnareff. Mais je termine d’abord un documentaire sur la Corée, sur le peuple coréen, peuple un, mais scindé.
Qu’est-ce qui vous fascine chez ce peuple ?
La notion d’allégeance : au Nord à Kim Jong-un, au Sud à Samsung.
Vous irez présenter Podium 2 au festival du cinéma de Corée du Nord ?
J’y ai présenté mes films. C’est le seul pays où Cinéman a été applaudi !
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