Co-commissaire avec Allison Gingeras de l’exposition AZERTY, Frédéric Paul, aujourd’hui directeur du Centre d’art de Kerguéhennec, a dirigé pendant onze ans le Fond Régional d’Art Contemporain (FRAC) du Limousin. L’exposition AZERTY au Centre George Pompidou est son dernier grand projet engagé pour le FRAC.
Quels ont été vos critères de sélection pour mettre en uvre la collection du FRAC Limousin ?
Quand j’ai pris mes fonctions, on m’a demandé mes objectifs, et très scolairement j’ai répondu en désignant le travail sur le support photographique, le fond « Support-Surface » dont le FRAC est assez richement doté, et la jeune sculpture européenne. Mais très rapidement cela s’est converti en une orientation vers des notions plus générales telles que le document dans l’art contemporain, la question de l’identité (la relation à l’autobiographie), et celle de la dématérialisation de l’objet.
Ce qui m’intéresse, par ailleurs, c’est d’interroger ce que j’appelle « les liens télépathiques » entre la création des années 70 et celle des années 90. Sans tomber dans l’idéologie du revival, il y a des correspondances tres étonnantes entre des expériences autrefois réalisées dans une confidentialité extraordinaire et celles d’artistes d’une toute autre génération. Pour AZERTY par exemple la relation entre Claude Closky et William Wegman est assez manifeste.
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Comment a été pensée cette exposition ?
Quand on fait le choix du classement alphabétique, de l’abécédaire, cela signifie que l’on a renoncé à toutes les autres formes de choix. C’est le non-choix par excellence. Avec Allison Gingeras, nous avons essayé de concevoir l’exposition comme un projet de collection plutôt que comme un tableau d’honneur. Ceci a permis d’étendre l’exposition à des uvres qui ne sont pas dans la collection mais qui la mettent en perspective. Par exemple, le fond Douglas Huebler du FRAC Limousin est conséquent, mais nous avons demandé une uvre du fond Yvon Lambert, et au Musée National d’Art Moderne. De même que nous avons pu étendre le travail de John Currin en exposant ses uvres récentes qui ont échappé économiquement à la collection.
Selon vous les FRAC vont-ils inévitablement vers une voie muséale ?
L’exposition devait s’appeler « Penser/Classer/Recommencer ». « AZERTY » est une accroche, mais elle n’est pas assez explicite pour exprimer le processus de travail autour de la collection. « Penser/Classer » fait bien sur référence à Perec, aux taxinomies en uvre dans les travaux des années 70 comme chez la jeune génération d’artistes des années 90 dont beaucoup sont français. « Recommencer » renvoie à l’idée d’un mouvement qu’il faut introduire dans la collection.
Lorsqu’on envisage la muséification des FRAC, je crois que c’est un faux problème dans la mesure où les FRAC entrent dans une nouvelle période. Maintenant, il faut gérer les collections, mais ce n’est qu’un problème de logistique.
Aujourd’hui, la question la plus importante est de « savoir que faire et comment faire des collections ». J’assiste avec une certaine inquiétude à un retour à la présentation des collections par petits tronçons. Didactiquement parlant ce n’est pas du tout satisfaisant pour le public. Selon moi, il faut attirer le public plutôt que de lui apporter l’ uvre sur son palier. En plus c’est une solution inquiétante où les artistes se trouvent devant le fait accompli et ne sont plus en prises avec leur propre production. Une collection d’art contemporain est pertinente lorsqu’elle comporte des uvres importantes qui n’ont pas immédiatement le statut d’ uvres clés. On a un devoir à l’égard de ses uvres.
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