Loin de la surenchère qui entoure les Stone Roses depuis presque dix ans, Ian Brown revient avec un album modeste, où la voix sexy et intacte peut réveiller l’enthousiasme. “Je suis la fleur qui pousse dans les poubelles”, chantait Ian Brown en 1985, sur le premier single des Stone Roses. Quatre ans plus tard, les […]
Loin de la surenchère qui entoure les Stone Roses depuis presque dix ans, Ian Brown revient avec un album modeste, où la voix sexy et intacte peut réveiller l’enthousiasme.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Je suis la fleur qui pousse dans les poubelles », chantait Ian Brown en 1985, sur le premier single des Stone Roses. Quatre ans plus tard, les bourgeons époustouflants décelés dans ce disque maladivement produit par Martin Hannett offraient un somptueux bouquet de roses en pierre dont l’Angleterre tarde toujours à se remettre. Un premier album aux effets secondaires incalculables : combien d’oreilles vinrent au rock par ce tourbillon, combien d’autres découvrirent la dance-music quand cette tornade finit par abattre les cloisons de Manchester (Fools gold retravaillé par A Guy Called Gerald, désirable pour l’éternité) ? Un monument de panache impossible à escalader : des Charlatans aux récents Santa Cruz, on s’est beaucoup cassé les ongles sur I wanna be adored ou I am the resurrection. Les Stone Roses aussi. Il faudra aux Mancuniens cinq années de labyrinthe, déplacer des montagnes de drogues, résister à des tempêtes d’ego pour finalement se faire à l’idée qu’il n’y aurait pas un second album des Stone Roses. Il y aurait, à la place, un testament à peine
déguisé : The Second coming, monstrueux collage de quelques années de cauchemar chimique, beaucoup plus bulletin médical, relevé d’autopsie qu’avis de (re)naissance. Du coup, plus rien ne poussa dans les poubelles : de compilations crapuleuses en départs solo trop bruyants pour être honnêtes, ces Roses-là ressemblèrent de plus en plus à une couronne funéraire. Ou, pire encore, à des fleurs en plastique : on a, par exemple, très mal vécu Do it yourself, le premier album solo du taciturne guitariste John Squire, honteusement planqué dans la banalité de ses Seahorses, que l’on s’entête à écrire Shithorses. C’est sans doute parce qu’on n’attendait rien de l’escapade de Ian Brown que l’on éprouve une telle tendresse pour Unfinished monkey business. Car pour la première fois depuis le premier album des Stone Roses, débarqué sans tambour ni trompette de l’anonymat de Manchester, on entend Ian Brown en direct, la voix pas du tout parasitée par une assourdissante rumeur préalable, les chansons livrées sans surenchère, sans championnats du monde de lancer de superlatifs en l’air. Disque humble d’un chanteur amoché par un mythe accroché à ses pare-chocs, Unfinished monkey business propose donc un scénario de science-fiction : nous sommes en 1989, les Stone Roses viennent de sortir leur premier album. Comme d’habitude depuis une poignée de singles, le disque est reçu avec sympathie, mais sans éclat. Ça n’empêche pas les Stone Roses de persévérer, privés de leur guitariste, un certain John Squire, devenu entre-temps peintre en bâtiment. Voilà précisément où se situe, on l’a daté au carbone 14, Unfinished monkey business : 1990, loin de tout enjeu, pas du tout paralysé par le fardeau d’une gloire accidentelle. Du coup, on évite à peu près les règlements de comptes avec John Squire, la pénible comptabilité des amertumes (ça, Ian Brown l’a gardé au chaud pour les interviews et pour What happened to ya ou Deep pile dreams). Radieux, insouciant, Unfinished monkey business sait chatouiller l’enthousiasme sans nécessairement convoquer la nostalgie : on adore ainsi la coupe classique de My star ou Corpses in their mouth, pop-songs assouplies par cette voix en caoutchouc. Parfois, fatalement, Ian Brown commet l’erreur de mesurer ses chansons avec l’étalon Stone Roses : ainsi, Can’t see me fait à peine un quart de son modèle Fools gold, Whatever happened to ya a la mauvaise idée de se frotter à The Second coming. Mais il essaie aussi, à l’occasion, de s’échapper de la roseraie : sur Lions, il apprivoise une créature mi-soul, mi-new-wavasse, anormale et serpentine (« Non, non, il n’y a pas de lions en Angleterre » c’est quoi c’que tu fumes, Doudou, dis donc ?) ; sur Ice cold cube, il se prend les pieds dans des cordes de guitares particulièrement criardes, après un refrain à la nonchalance pourtant fortiche ; sur Sunshine, il s’endort avant même d’avoir achevé cette miniature hippie enregistrée avec une guitare sèche et raide méfue ; sur Unfinished monkey business, il tente un de ces reggae blanchis à la Javel dont New Order possède le secret. Des petits écarts de langage qui n’éloignent pas de l’essentiel : on retrouve ici, intact, l’un des timbres les plus sexy que l’on connaisse. Même si sa musique est convalescente, parfois même accessoire, c’est la bonne nouvelle d’Unfinished monkey business. Ce n’est pas grand-chose, juste une petite pensée émue, un gai muguet, un lichen qui s’accroche à la vie : mais, au moins, quelque chose recommence enfin à pousser sur les décombres de cette histoire-là.
{"type":"Banniere-Basse"}