Barenboïm fut jadis un pianiste de génie. Il a malheureusement peu à peu quitté ce registre pour s’oublier dans la routine, mais depuis qu’il se voue à la direction d’orchestre, on ne compte plus les réussites, surtout dans l’opéra. Avec sa formation berlinoise, il avait déversé un torrent de lave en fusion lors des représentations […]
Barenboïm fut jadis un pianiste de génie. Il a malheureusement peu à peu quitté ce registre pour s’oublier dans la routine, mais depuis qu’il se voue à la direction d’orchestre, on ne compte plus les réussites, surtout dans l’opéra. Avec sa formation berlinoise, il avait déversé un torrent de lave en fusion lors des représentations parisiennes d’Elektra de Strauss.
Le maelström wagnérien ne pouvait pas plus échapper à son appétit pantagruélique. Après Parsifal, Tristan et un Ring en morceaux, voici Lohengrin. Du séisme rageur du Châtelet, on retrouve ici l’étincelante Deborah Polaski dans un registre plus effacé, qui donne la réplique au chevalier valeureux, un tantinet naïf. Celui-ci est théoriquement beau et musclé, c’est ce qu’on s’évertue à nous montrer à l’opéra, et débarque dans une des scènes cultes du répertoire ; l’arrivée de Lohengrin aux commandes de son cygne fait vraiment partie du folklore lyrique et on l’a parodiée avec délectation. Mais comme retentit au même moment la musique la plus divine du monde, tout le monde se tait ou se réveille, comme dans les loges des opéras italiens au XVIIIème siècle. Lohengrin déballe ses stances (dans cette version, on en rajoute) et caresse son cygne de paroles bienveillantes, comme à un brave toutou. Ça pourrait être ridicule ; à chaque fois ou presque, c’est magique. On n’a aujourd’hui que le côté sonore du spectacle à se mettre sous la dent et le ténor de service sait se faire apprécier. Les choeurs comptent aussi parmi les hits de cet opéra. On part d’un murmure, on finit dans l’épopée. Là aussi, c’est très fort, comme le fameux prélude et ses cordes diaphanes. Tous les monstres sacrés, de Furtwängler à Toscanini, s’y sont fait remarquer, en dignes serviteurs du maître de Bayreuth. Barenboïm les rejoint. Il réussit à envelopper le tout de sa patte généreuse, à faire oublier les longueurs ; il ne fait pas de Lohengrin un catalogue de beaux morceaux mais rehausse la cohésion du drame dans sa globalité. Après cela, on se voit bien faire une partie du voyage à Bayreuth à genoux, comme des supporters français du début du siècle le préconisaient.
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