En faisant appel à une grande maison d’édition pour publier ses autoportraits, la chef de file des narcissiques décomplexés affiche des prétentions artistiques. Ben voyons.
Selfish
Kim Kardashian n’aime visiblement pas aller à contre-courant. La voilà donc exactement où on l’attend : publiant un livre de photographies, recueil de centaines de selfies astucieusement intitulé Selfish (“égoïste”, en anglais). Un édifiant témoignage sur notre temps ? Kim Kardashian ne fait pourtant que céder à sa façon à la tentation autobiographique. La même qui, très tôt dans toutes les civilisations, a poussé des individus à signaler leur existence et dessiner les contours de leur identité. Si, historiquement, certains ont accordé leur “je” à des genres bien établis (la prière, la chronique, la biographie, le récit de voyage, la poésie ou le roman, selon l’époque) Kim, elle, a choisi : ce sera le selfie.
Bouche bée
En dédicace le 5 mai à la très chic librairie Barnes & Noble sur la 5th Avenue à New York, Kim Kardashian s’affichait avec son mari, l’heureux destinataire originel de ce recueil d’autoportraits (c’est le mot qu’on utilisait avant selfie) qui, avant de devenir un vrai livre avec une couverture cartonnée, n’était autre qu’un cadeau de Saint-Valentin improvisé. “Finalement c’était tellement cool qu’on a eu l’idée de faire un livre”, déclarait Kim avec une certaine naïveté. Résultat : 352 pages et 19,99 dollars pour cet exercice très premier degré, dans lequel Kim Kardashian, visiblement très peu intéressée par l’idée de se réinventer, s’enferme volontairement dans un dispositif figé, aussi statique que ce rôle qu’elle ne cesse d’emprunter. Lequel ? Celui d’objet sensuel dont la bouche entrouverte laisse pourtant peu de paroles filtrer. En effet, si tout le monde la connaît, rares sont ceux qui l’ont entendue parler.
Rizzoli
Habilement placé sous la poitrine dénudée de la dame trône le logo de Rizzoli, maison d’édition réputée, spécialisée dans les beaux livres et notamment ceux concernant l’architecture, la mode et le design. Pour le New York Times, Rizzoli a publié certains des “plus beaux livres illustrés du monde”. C’est vrai : outre ce médiatique effort de Kim, se trouve dans leur catalogue le Codex Serafinianus de l’artiste italien Luigi Serafini. Un livre culte sorti dans les années 70 et réédité récemment par la maison d’édition. Une encyclopédie extraterrestre écrite dans une langue imaginaire que jamais personne n’a réussi à décoder. Poétique, inventif et stimulant. Bref, le contraire de qui vous savez.