De l’Allemagne nazie à la guerre de Corée, les tribulations d’un homme qui cherche à fuir son passé. Richard Collasse érige un roman d’aventures hanté sur les ruines du XXe siècle.
Le kimono en lin blanc se teinte de rouge. Du sang auquel se mêlent bientôt des excréments. La lame du sabre est entrée trop loin dans l’abdomen, éclipsant la beauté morbide du cérémonial. Le 1er janvier 1965, dans un parc de Tokyo, Emile Monroig met fin à sa vie par seppuku, cette forme rituelle de suicide pratiquée par les samouraïs. Auparavant, pour expliquer son geste, il a pris soin d’envoyer à son ami R. C., le narrateur, un coffret contenant trente-six carnets dans lesquels il a consigné l’histoire de sa vie. Une existence menée sous différentes identités, la sienne s’étant irrémédiablement dissoute dans les bains de sang du XXe siècle. Ses mémoires sont les confessions d’un masque.
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Comme La Trace ou Saya, précédents livres de Richard Collasse, Seppuku est imprégné par la culture du Japon. Un pays que l’auteur, également pdg de la filiale nippone de Chanel, connaît bien. Il y vit depuis une trentaine d’années. Mais le roman s’aventure rapidement hors des frontières de l’archipel pour suivre les méandres de la vie de Monroig. Ce dernier est en réalité né Wolfgang von Spanner à Berlin dans les années 20, fils d’une pianiste française et d’un chirurgien allemand. Pendant la guerre, son père, nazi convaincu, participe à des expérimentations médicales sordides à Auschwitz.
Le poids de l’histoire et de la culpabilité
Wolfgang n’aura de cesse de fuir cet héritage “d’échecs et de fiel”, de se débarrasser de ces “hideux fantômes” comme d’une mue empoisonnée. Au gré de circonstances parfois rocambolesques, il va se métamorphoser en Emile Monroig, empruntant le prénom de son meilleur ami tué par un obus et le nom d’un légionnaire français qui lui a sauvé la vie, pour se retrouver quelques années plus tard catapulté en pleine guerre de Corée, devenant le témoin de nouvelles atrocités.
A la fois épuré dans l’écriture et totalement échevelé, Seppuku, roman d’initiation, d’aventures et de guerre, interroge le poids de l’histoire et de la culpabilité, la possibilité de (se) reconstruire sur les champs de ruines et d’horreurs, à un niveau individuel ou collectif. La poursuite d’une rédemption illusoire.
Seppuku (Seuil), 400 pages, 21 €
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