La meilleure partie de la programmation des années Pop consacrée au cinéma recouvre la bouillonnante période de l’underground new yorkais, avec en guise de statue du Commandeur pop, l’incontournable Andy Warhol, touche-à-tout génial qui révolutionna le septième art par sa rigueur mêlée de candeur.
Si rock, underground, publicité, comédie sixties, pop music, cinéma expérimental, néo-dadaïsme, Tati, Godard, sont synonymes de « pop culture », alors cette programmation est passionnante et exhaustive. Quoi qu’il en soit, et plus sérieusement, cette programmation fourre-tout qui couvre, en gros la période 1955-1975, vaut le déplacement essentiellement pour sa série consistante de films rares et inédits de l’avant-garde américaine ? en gros, la sphère warholienne. Figure clé du Pop Art, Andy Warhol est devenu parallèlement, et pour un court laps de temps, un précurseur de l’underground cinématographique new yorkais. Le désir de cinéma de Warhol, voyeur impénitent et artiste majeur se concrétisa avec Sleep, au moment où son uvre picturale commençait à devenir connue. Sous l’influence de Jonas Mekas, pape du cinéma expérimental new yorkais, et de Jack Smith, auteur du mythique Flaming creatures, Warhol décide de faire des films en réaction au cinéma mainstream qui l’ennuie. « C’est si facile de faire des films, déclarait-il. On n’a qu’à faire tourner la caméra et toutes les images sont réussies. » Comme en peinture, il s’agit pour lui d’intervenir le moins possible. Filmer, pour lui, consiste essentiellement à enregistrer. Pour Sleep, tout est venu des amphétamines. Au milieu des années 60 à New York, dans le milieu artistique underground, tout le monde en prenait, y compris Warhol. Les gens créent donc fébrilement et dorment très peu. « Le fait de voir des gens tout le temps éveillés donnait l’impression que le sommeil devenait une chose dépassée. Alors j’ai décidé de faire un film sur un dormeur« , écrit Warhol. Le dormeur sera son amant du moment, John Giorno, un agent de change de Wall Street devenu poète. Giorno raconte qu’une nuit il s’était réveillé et avait vu Warhol sur une chaise en train de le regarder. « Qu’est-ce que tu fais Andy ?« , demanda alors Giorno. « Ah, qu’est-ce que tu dors bien !« , répondit Warhol, avant de sortir de la pièce.
En juillet 1963, peu après cet épisode, Warhol s’achète une caméra 16 mm. Il tournera entre 60 et 70 films entre 1963 et 1968. La plupart des longs métrages, d’abord muets et en noir et blanc, qui illustraient des concepts abstraits, des activités humaines (Sleep, Eat, Blow job), ensuite sonores et en couleurs. Des parodies de classiques du cinéma, des documentaires sur la Factory. Volontairement neutres, dépouillés, certains des films de Warhol atteignent des durées record. Empire est un plan fixe de huit heures sur l’Empire State Building ; **** (4 stars) est une série de films de trente minutes projetés en surimpression durant 24 heures. Quant à Sleep, il ne dure « que » six heures. Cette première uvre filmée du peintre-cinéaste est silencieuse, mais selon certaines sources, la première au Gramercy Arts Theater de New York fut accompagnée par le son de deux radios réglées sur deux stations de rock différentes. Warhol lui-même n’a pas réellement regardé son film : « Quelqu’un, dit Warhol, avait eu vent de la teneur du film avant la projection, et déclara que pour rien au monde il ne resterait là jusqu’au bout. Jonas Mekas prit une corde et attacha cette personne à son fauteuil pour faire un exemple. Mais c’est moi que Jonas aurait dû attacher. Il n’en crut pas ses yeux quand il me vit sortir de la salle à peine quelques minutes après le début de la projection. Parfois j’aime m’ennuyer, parfois pas’. » La morale du cinéma de Warhol, à ne pas confondre avec ses uvres narratives co-signées (en fait réalisées) par Paul Morrissey, est proche de la philosophie orientale : « Plus on regarde exactement la même chose, dit le cinéaste, plus la signification disparaît, plus on se sent vide et mieux on se sent ».
Dans la programmation du Centre Pompidou, on surveillera donc, outre le gros contingent de films de Warhol, des courts métrages de l’inaugurateur du style camp, Jack Smith, des uvres de Gerard Malanga et des pionniers du cinéma expérimental américain (Brakhage, Mekas, Vanderbeek). Côté français, on reverra en priorité les célèbres opus de William Klein (cf. Qui êtes vous Polly Magoo ?) ou des peintres Raysse, Fromanger et Monory. Le choix des longs métrages de fiction est plus problématique (Shadows de Cassavetes, La Fureur de vivre, Docteur Folamour, Playtime, sont-ils réellement des films pop ? !).
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Cinéma et culture pop
Centre Pompidou
Du 15/03 au 18/05
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