Expérience souhaitée. On réédite Jimi Hendrix : loin des prouesses guitaristiques, l’occasion de resonder le songwriter. Très sous-estimé. Revenons trente années en arrière. Allumé par les Who et le Pink Floyd de Syd Barrett, le brasier acid-rock n’attend plus qu’un personnage haut en couleur pour l’enflammer : celui qui mettra définitivement au point le psychédélisme […]
Expérience souhaitée. On réédite Jimi Hendrix : loin des prouesses guitaristiques, l’occasion de resonder le songwriter. Très sous-estimé.
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Revenons trente années en arrière. Allumé par les Who et le Pink Floyd de Syd Barrett, le brasier acid-rock n’attend plus qu’un personnage haut en couleur pour l’enflammer : celui qui mettra définitivement au point le psychédélisme en réintroduisant dans le rock sa dimension sexuelle. Dans une Angleterre à l’aristocratie musicale bien peignée, Jimi Hendrix fait un peu figure de bon sauvage. Une image qui le servira dans un premier temps et dont il usera à outrance, avant d’en devenir prisonnier. Car au-delà des clichés du Jimi Hendrix guitar-hero, ces rééditions viennent à point nommé replacer sa musique et elle seule au centre des débats. Celles-ci surviennent après des années d’âpres batailles procédurières et autres conflits d’intérêt. Dans la confusion qui suivit sa mort, on confia la gestion des bandes inédites soit des dizaines d’heures d’enregistrement, de concerts en jam-sessions crachouillantes à Alan Douglas, producteur peu scrupuleux. Le fameux album inachevé de Jimi Hendrix est ainsi devenu un de ces serpents de mer dont la mythologie du rock a le secret. Après des sorties d’albums indignes à une fréquence indécente, paraît donc aujourd’hui First rays of the new rising sun, résultat des dernières séances. Les morceaux confirment l’orientation plus noire que souhaitait prendre la musique d’un compositeur entre deux continents : Hendrix a alors passé l’essentiel de sa carrière en Angleterre, entouré de musiciens blancs. Dès 1967, conscient des limites qu’impose le trio, Hendrix travaille la plupart du temps seul en studio. Axis: bold as love constitue le sommet de ses recherches de spéléologue dans la jungle multipistes. Orné de chansons à l’approche pop dépassant rarement le cadre des trois minutes, cet album, modèle de production intelligente (cité par Brian Eno dans son Top 5), dévoile un auteur inspiré se cachant derrière la rock-star hippie. C’est grâce à des ballades graciles The Wind cries Mary, (Have you ever been to) Electric Ladyland’, Little wing , exercices soul à la Curtis Mayfield, qu’Hendrix parviendra à s’imposer en véritable songwriter. Electric Ladyland creuse un peu plus les préoccupations d’arrangeur et de producteur d’un Hendrix désormais contraint de devoir faire appel à des musiciens extérieurs pour concrétiser sur bande les sons de plus en plus complexes qu’il entend. Hendrix reviendra en Amérique riche et célèbre en s’y affirmant pour la première fois en tant qu’Afro-Américain, en s’entourant d’un groupe entièrement noir, échappatoire à l’image de freak qui commence à l’encombrer. Band of gypsys, dernier album paru de son vivant, est le testament de cet apôtre de l’expérience à tout crin, qui s’apprêtait à travailler avec l’arrangeur Gil Evans au moment de mourir. Hendrix partira sans laisser de véritable succession, mais en ouvrant la voie à une ribambelle de clones aux guitares verbeuses, un peu comme si son œuvre, à l’instar de celle d’un Miles Davis parodié par le jazz-rock, décourageait toute tentative d’héritage sérieux.
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